Je
ne connaissais pas Adam Green il y a deux semaines, et pourtant je
l'écoute en boucle depuis ! L'album Minor Love est un cocktail
de grandes influences dont la recette est simple : dans un
shaker mettez Elvis Presley, Johnny Cash et Eddie Vedder, refermez et
laissez secouer le tout par l'enfant des Moldy Peaches, vous
obtiendrez le délicieux Minor Love.
Avant
de commencer quoi que ce soit, toute personne n'étant pas touchée
par l’œuvre des trois monstres sacrés cités
plus haut peut arrêter sa lecture ici. Elle
sera certaine
de passer à coté de Minor Love. Car si son premier album solo en
2002 était des plus hétéroclites
dans son genre, Adam Green enracine avant
tout celui ci dans la tradition du rock
root des sixties, une voix grave et une guitare sèche.
Et
effectivement, à peine la première piste lancée, que l'odeur de la
poussière et des Santiags viens nous
titiller les narines. Cette impression
est renforcée par la profonde, très profonde voix d'Adam Green.
Pour vous donner une idée j'ai cru écouter Elvis la première fois!
La comparaison vocale
s’arrête là :
le King avait du coffre ( du moins au début...) alors qu'Adam G. est
vite limité lorsqu'il faut pousser un peu sur les cordes vocales. Et
alors ? Peu importe lorsque celles ci servent à raconter des
petites histoires de mal d'amour dans les motels crasseux, de tueurs
et autres bagarres de comptoir.
Il
faut lire ou tout du moins écouter avec attention : il se cache
des pépites parmi les quatorze morceaux proposés. « Breaking Locks » est l'exemple typique
d'un texte qui serait passé inaperçu sur n'importe quelle musique
actuelle, alors qu'ici on sent le désespoir, on sent la tristesse,
on sent les regrets de cet homme mis à la porte de chez lui. Les
textes, écrits
pour la plupart sur un coin de table entre amis, font résonner une
part enfouie en nous et une part d'aventure que chacun aimerait
vivre. A l'image de « Boss Inside » ,
qui sent bon la poudre et les films de
Clint Eastwood, certain textes sont de petits scenarii dont chacun
veux être l'acteur principal, « Castles and Tassels » et « Buddy Bradley » en sont deux bons
exemples. L'ancien des Moldy sait comment faire naître une ambiance
autour de ses textes, n'hésitant pas, malgré sa tête de premier de
la classe, à utiliser des grossièretés à la place d'un mot
convenu. Il ajoute du relief à chaque phrase, dont
la prononciation lente et mesurée en
fait de
petites perles pour une
l'oreille attentive.
Petite,
qualificatif parfait pour désigner ses
chansons, aucune ne dépassent les trois minutes, fait exceptionnel
de nos jours. Comprenez bien que pour être diffusable il faut un
joli format de trois minutes trente avec deux refrains et trois
couplets, alors
bizarrement il ne sort que des chansons de ce format . Étrange non? En tout cas Adam Green fait
le bon choix avec ses petites mélodies - on ne se lasse pas du début
à la fin - qui rendent un
album potentiellement ennuyeux
- de par ses
thèmes et ses
rythmes simplistes - varié et intéressant. D'ailleurs les plus
courtes sont celles que j'ai appréciées et remarquées en premier,
selon moi la meilleur reste « Cigarettes Burns Forever ». L'avantage
est qu'avec sa minute cinquante
six on peut l'écouter dix fois de suite sans s'en rendre compte !
Comme quoi ce n'est pas la taille qui compte...
L’exploit
réside dans le fait que malgré ce temps réduit les chansons ne
sont pas pour autant dénuées d'âme ou bâclées
musicalement. Certes la plupart sont sobres, « Don't Call Me Uncle » est une suite
d'arpèges à la guitare acoustique, « Bathing Birds » est seulement
accompagnée
d'une flûte et d'un banjo. Mais qu'importe, les choix instrumentaux
sont parfaits. La guitare impressionne par son efficacité dans la
simplicité. La simplicité n'est pas l'ennemie du bien, voir même
du très bien dans le cas présent. Prenez « Goblin »,
une contrebasse, une mélodie au banjo et des percussions mêlant
maracasses et autres petit bois, comment faire plus simple ? Et
pourtant, le morceau est entraînant et m'a fait dandiner plus d'une
fois dans la salle de bain.
L'ambiance
root rock est parfaitement respectée et les seules
marques d'arrangement indiquant un travail postproduction sont d'une
justesse rare. Sachant être discrets
sans pour autant passer inaperçu, ils apportent, le plus souvent
sous la forme d'un air d'orgue ou de son lointain tout en retenue,
le liant à chaque morceaux.
Pour les amoureux
de l’électrique, Adam a aussi pensé à vous. L'apprenti peintre
réalise trois belles
pièces plus énervées.
En tête des plus excitées,
« Oh Shucks » sonne
comme un vieux rock de garage. Et pourtant nos oreilles ont affaire
à une expérimentation bien plus structurée qu'on ne pourrait le
croire. Une
guitare ultra saturée, un orgue à la limite du bruit de jeux vidéo
des années 80 et un batterie agressive auront raison du texte qui se
trouve malmené par autant de désordre ordonné. Que mon propos ne
soit pas mal interprété, « Oh
Shucks » est un bon titre,
c'est de ce fameux désordre que ressort le bon goût du morceau.
Après tout nous aimons tous une part de désordre alors pourquoi pas
un peu dans cet album ? Puis , si
vous souhaitez une maîtrise des rythmes, vous serez servi avec
« Lockout » et « What Make Him Act So Bad ». Les
deux titres
sont bien
différents et pourtant l'utilisation de l'instrumentation est la
même : le
coté électrique n'est présent que pour muscler la rythmique. Je
vous accorde que dans « Lockout »
les petites touches funk apportées sont un régal et ne
correspondent pas à l'explication faite précédemment, pour ma part
elles rentrent plus dans les arrangements que dans la fabrication
première du morceau.
L'album
se termine sur le (encore une fois) réussi « You
Blaken My Stay » et Adam Green
nous fait bien comprendre à travers celui ci qu'il ne cherche pas la
gloire, juste à faire des chansons. A force de recherches je
m'aperçois même qu'au delà des chansons c'est pour l'art qu'il
vit.
Peintre, photographe, chanteur, compositeur... Il s'essaye à tout
avec son lot de réussites et d’échecs. De mon point de vue,
qu'il reste ami avec sa guitare. Je n'avais pas aimé ce style à ce
point depuis ma rencontre avec J.Cash.
Minor
Love est un bonheur simple qui réconcilie les années 60 avec notre
époque.
Un grand écart qu'Adam Green maîtrise avec brio.