Si
je devais vous donner un euro à chaque fois que j’ai écrit, dis ou pensé qu’un
artiste Folk ou Rock m’avait retourné la tête, vous seriez les internautes les
mieux payés du web ! Mais si je devais le faire pour un groupe
Electro-Pop, vous ne mangeriez pas à votre faim. C’est pourtant ce que je suis
obligé d’admettre (avec grand plaisir d’ailleurs) pour ce quatuor venu de
Leeds : Δ (Alt-J). En à
peine une semaine ils ont explosé le compteur de mon Ipod et mes oreilles en
redemandent ! Chose étrange puisqu’on est bien loin de ma zone de confort
musicale mais qu’importe, quand c’est bon, il faut savoir apprécier. Et dans le
froid de Décembre, au-delà du cadeau même qu’est cette musique, An Awesome Wave
est un rafraîchissement de l’esprit sur une plage de sable fin.
Lors
de l’interview qui succéda la cérémonie qui les a vu se faire remettre le prix
Mercury (Meilleur album Britannique ou Irlandais de l’année) ils eurent la
décence d’expliquer leur nom somme toute étrange. Tout en voulant un symbole
fort, ils ne voulaient pas pour autant perdre en décalage, c’est pourquoi ils
choisirent le delta, signe fort et élégant à la fois. Mais pour ne pas tomber
dans le banal avec un tel nom ils décidèrent d’y accoler son raccourcis clavier
sur Mac (avec clavier qwerty, bien entendu). Même l’histoire de leur nom me
plais, elle est tout à l’image de leur musique : fraiche, entrainante et
nouvelle !
Parlons-en
de leur musique, (oui je m’égare parfois dans les anecdotes, mais je n’ai
jamais laissé la musique en reste, alors bon !) comme je suis un pur
produit scientifique, essayons de la traiter dans une équation à la GQ, nous
aurions alors :
25%
Radiohead + 65% Plants And Animals + 10% Asaf Avidan
=
An Awesome Wave!
Je
sais qu’un tel mélange peut paraitre fantaisiste mais une fois qu’on s’y penche
dessus, on ne peut qu’accepter ce curieux mélange.
Commençons
par la plus petite part, je l’ai voulu pour montrer le coté indépendant et si
peu connu du publique que s’en est vexant tant la qualité est présente. Alors
oui, depuis deux mois tout le monde connait Asaf Avidan mais pour la reprise de
« One Day » (plutôt bonne pour une reprise de ce genre). Mais c’est
l’arbre qui cache la forêt de talent de ce groupe en devenir. Pour Alt-J, il en
va de même, la reconnaissance devrait accourir après un tel album ! Et
pourtant depuis Juin et sa sortie, les prix s’enchainent mais les ventes,
elles, ne sont pas au plus fort. Autre parallèle avec Asaf Avidan, au niveau de
la voix. Certes, elles n’ont rien à voir, mais elle se retrouve dans leur
singularité de donner l’impression d’être toujours sur le fil. Écoutez
« MS » s’il faut vous en convaincre, chanson douce et pourtant on se
demande si les aiguës tiendront tout le long.
Ensuite,
autre affiliation et sans doute moins évident à relier sans hausser les sourcils :
Radiohead. L’article d’il y a trois semaines mettait en avant le côté toujours
plus avant-gardiste en terme de recherche musicale du groupe Anglais, c’est ici
ce que je retrouve chez Alt-J. Une envie de faire de la musique sans les codes
qu’on lui attribue le plus souvent. Si je devais apporter des preuves à ces
dires, je ne pourrai que pointer du doigt la présence d’une « Intro »
et des trois interludes, chose totalement oubliée de nos jours au sein des
albums. Alors, j’entends déjà dire que par manque de temps et d’envie ils ont
calé les trois morceaux non finis pour remplir un album un peu vide. Je
répondrais seulement qu’Alt-J a eu le courage de ne pas sombrer dans la
médiocrité en écrivant à la va vite trois textes dénué de sens puisque sans inspiration
de base. Le parallèle avec Radiohead se fait ici, lorsque à l’instant de
l’enregistrement, si seulement deux minutes de musique sont bonnes, on en
invente pas deux de plus avec des paroles sans queue ni tête pour le bien des
radios. Ils décident de les mettre pour leur qualité et non pour leur potentiel
monétaire. Ainsi, « Interlude 1 », « Interlude 2 » et
« Interlude 3 » sont trois instants bref de musique qui se laisse
apprécier de par leur beauté, si succincte soit-elle.
Pour
la plus grande portion j’ai tout de suite pensé à Plants And Animals. Ce groupe
qui en est à son troisième album résonne en fond d’An Awesome Wave. Que je me
fasse bien comprendre, il ne s’agit ni de plagiat ni même d’un vague air de
ressemblance physique. Car même si Plants And Animals est bien plus Rock dans
l’ensemble, tout se joue dans l’ambiance dégagée par l’ensemble. C’est gaie, ça
bouge, on est transcendé par ces appels de chœur qui surviennent n’importe
quand, mais surtout quand il faut ! (« Fitzpleasure » et « Breezeblocks »)
La ressemblance tient avec des morceaux de Plants And Animals comme
« Bye Bye Bye » ou « Kon Tiki » où
l’ambiance nous fait planer et en même temps c’est un vol des plus
agréable ! Musicalement ils sont très bon aussi, les rythmes sont
superbes, la puissance électro associé à la finesse d’une Folk bien dissimulée
entre plusieurs couches de claviers, c’est imparable. « Tessellate » et
« Bloodflood » en sont les deux meilleurs exemples, avec pour le
dernier un changement, en toute fin, de rythme qui ne peut se prévoir qu’en
prêtant attention aux premières mesures de la chorale, c’est fort bien pensé.
Pour
finir je saluerai la finesse des propos, des thèmes abordés avec sans doute mes
deux chansons favorites de l’album. La première fait directement référence au
film Léon, (alors oui pour moi c’est une référence remarquable !) elle se
nomme « Matilda » et le refrain se base sur les dernières paroles de
Jean Reno : « This is from Matilda » (joué par, la encore toute
jeune, Natalie Portman) Les paroles ne tiennent qu’en peu de mots, parfois le
plus est l’ennemie du bien. Puis « Taro », en hommage au photographe
Robert Capa, mort en 1954 en marchant sur une mine. (Pour les plus curieux,
c’était un photographe de guerre dont le style est reconnaissable par la
promiscuité qu’il avait avec les protagonistes de ses œuvres.) La chanson porte le nom de sa femme, Gerda
Taro. C’est aussi cette finesse que j’apprécie chez eux.
Pour
ne pas mentir, la première écoute m’avais paru bizarre et je m’étais
dit : « Encore un groupe qui tente dans tous les sens sans
savoir où aller... » J’espère qu’après cet article, et une écoute aussi
ouverte que la mienne, vous n’aurez plus cet avis, car pour ma part, il est
bien loin derrière moi et les dizaines heures d’écoute de ce très bon album
qu’est An Awesome Wave.