Août 2011 sortait dans
les bacs Happy Soup, le nouvel album de Baxter Dury. Ce nom ne vous
dit peut être rien et sa musique semble loin de vos oreilles,
pourtant vous connaissez tous au moins la chanson « Trellic »
puisqu'elle fut utilisée pour une pub d'un célèbre pourvoyeur
d’électricité Français. De plus, le fils de l'inventeur de la
maxime « Sex, Drugs & Rock'n'Roll » n'est pas
l'illustre inconnu que l'on croirait puisque Happy Soup est en
réalité son troisième album. Certes les deux premiers ne se sont
pas écoulés à des millions d'exemplaires, mais l'envie de bien
faire est toujours grande lorsque « papa » est une
rock-star. Alors, Baxter Dury s'est penché pendant plus de 5 ans sur
cette Happy Soup. Le résultat est époustouflant de maîtrise.
La maîtrise, c'est le
maître mot de cet opus. Il suffit d'écouter le titre « Happy Soup », un modèle du genre, voix grave pausé sur une batterie
minimaliste et trois accords sur un clavier. Progressivement s'y
ajoute un arpège envoûtant puis des chœurs féminins qui ne sont
pas sans rappeler ceux usitées par Serge Gainsbourg. L’atmosphère
rendue est pesante, à nul moment la chanson de s'emballe et pourtant
on sent qu'elle le voudrait. Pire, tout notre corps le souhaite,
cette lent marche ne peux que se terminer sur une explosion. Dury la
retient tout en douceur et nous sert, en lieu et la place d'effusions
de rythmes, un solo comme autant de liens venant sceller ce petit
bijou de maîtrise musicale. Cameron Crowe donnait les mots suivants
à Tom Cruise dans « Vanilla Sky » : « Le
plaisir naît de l'attente de celui-ci. » Baxter Dury applique
à la lettre cet adage et dans l'attente d'une envolée promise à
cet « Happy Soup » nous fait prendre notre pied chaque
second que celle-ci met... à ne pas venir !
La comparaison à
Gainsbourg n'est pas innocente. Souvent utilisée dans les médias,
il est vrai qu'on ne peut pas nier un air de ressemblance dans les
ambiances créées par les deux protagonistes. Le rapprochement
s'affirme sur la période « Initail BB » du grand Serge.
Pour autant il n'est pas si simple de trouver de vrais points communs
entre ces deux. La musique du Français est loin du post-retro-indie
proposé par B.D. (Je viens d'inventer ce mouvement, je n'ai pas
trouvé mieux pour définir le style!) Gainsbourg aimait la musique
plus nature, moins éléctro. Question de génération me direz vous,
mais S.G s'est bien intéressé au Reggae, sa curiosité a toujours
été poussée vers le côté plus traditionnel de l'instrument. Son
sample de la « Symphonie Du Nouveau Monde » d'Antonin
Dvorak sur « Initial BB » est la preuve de l'attachement
de Gainsbourg à la musique classique. Peut être que la sublime voix
de Madelaine Hart nous rappel inconsciemment la voix d'une Brigitte
Bardot dans la fraîcheur de l'âge, puis ce ton parlé à la manière
de « Leak At The Disco » est souvent présent sur les
disques de Gainsbourg.
Il ne faut cependant pas
laisser cette comparaison faire croire qu'Happy Soup manque
d'originalité. Loin de moi cette idée.
Chaque titre a du cachet
et un ton propre. A la manière d'un livre de contes, les chansons
s’enchaînent passant de thème en thème comme on tourne les pages
d'un livre. Ironiquement déprimant dans « The Sun » ou
amoureux pervers dans « Isabel », Baxter Dury offre
l'occasion à chacun de se reconnaître au travers de personnage ou
d'anecdotes proche de la vie de tout un chacun. Ce qui est
intéressant c'est sa façon d'amener ces textes à l'encontre de la
musique sur laquelle ils sont posés. Cela leur donne une tournure
parfois différente de ce que l'on aurait pu ressentir avec d'autres
mélodies. Pour éclaircir mon propos reprenons la chanson « The
Sun ». Sujet des paroles : un certain Johnny « joue »
seul chez lui avec son revolver. On imagine déjà la catastrophe,
les violons, le solo de guitare déchirant la tragédie de ce
désespoir à la façon d'un « Still Loving You »... Dury
part totalement à l'inverse et sert sa chanson avec une guitare
slide façon vacances à Hawaï, je ne parlerai pas de la batterie à
deux doigts d'« Aux armes et caetera » ni des pseudo
pleures de la fin ressemblant plus il faut l'avouer à un rire
contenu. Bref, Dury fait d'un texte sur la solitude une chanson
ironique et légère.
C'est un autre aspect à
souligner. La légèreté que la musique apporte avec cette sensation
que l'on rentre dans un monde irréel, mélange entre les années 80
et nos jours. La légèreté est souvent associée à des tempos lent
où les basses et batteries sont coincées dans le fond ; ici
c'est tout l'inverse. La batterie est sèche et ultra présente, idem
pour la basse qui lead bien plus que la guitare qui sert plus
d'accompagnement grâce à quelques notes flottantes et autres solos
très sixties comme sur « Picnic On The Edge ». Ce qui
contre balance avec la puissance offerte par le couple rythmique,
c'est encore une fois cette si douce voix de mademoiselle Madelaine
Hart mais surtout l'utilisation de claviers : rien de mieux pour
tapisser le fond d'une bonne chanson ! Prenez « Afternoon »,
cette petite suite de notes façon violon et bourdon éléctro ?
C'est de ceci dont il est question. Juste de quoi faire entrer en
lévitation une chanson qui serait restée ancrée au sol sans cet
astucieux ajout. Encore une fois ces parties de synthés sont
soumises à la maîtrise et la retenue de Dury. Probablement seul
point gris clair, (je n'ai pas le courage de soumettre un point noir
à cet album) n'aurait-il pas fallu un peu plus de laisser-aller ?
Sans doute le flegme British qui se veut au-delà des émotions
personnelles trop importantes...
Baxter Dury nous quitte
sur « Trophies », seule chanson laissant vraiment le
devant de la scène aux claviers pour une sortie de ce monde entre
deux âges tout en douceur. Une fin toute relative tant il est
tentant de se relancer dans cet univers parallèle créer par B.Dury.
Entre une atmosphère qui colle à la peau, des airs légers et une
maîtrise absolue de chaque notes parvenant à nos oreilles, Happy
Soup est une réussite. Pour moi cet album n'entre dans aucun genre,
Baxter Dury fabrique lui-même le courant musical dans lequel il
s'inscrit, c'est de là que ressort la fraîcheur de sa musique. Et
c'est pour ça qu'on en redemande, et vite !
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