Premier article des vacances, et comme les vacances sont l'occasion de renouveau, From (The Sounds Inside) accueille avec plaisir un nouveau chroniqueur: Paul. Ses articles paraitront une semaine sur deux en alternance avec les miens, son premier papier sera publié la semaine prochaine. J’espère que cette collaboration vous sera agréable et je vous souhaite de bonnes vacances en notre compagnie.
Dans un article précèdent, je regrettais la disparition d'une figure de proue de la
musique française :Alain Bashung. C'est pourquoi il me semble
inévitable que je vous fasse partager ce qui fut pour moi une
révélation au niveau musical. Derrière cette révélation se
trouve l'album Fantaisie Militaire. Le chef-d’œuvre de Bashung.
Pour être franc, ce n'est ni un album simple ni un simple album. Son
écoute doit se réaliser en plusieurs fois pour pouvoir pleinement
en profiter. J'ai moi-même laissé tomber à la première écoute,
puis des amis bienveillants m'ont chanté les louanges de chansons
dont j'étais passé complètement passé à coté. Et au bout de
quelques écoutes on se laisse emporter dans le monde de Bashung et
l'on comprend pourquoi il s'agit d'un chef-d’œuvre.
En 1998, lors de sa sortie, les Inrock décrétèrent qu'il s'agissait du meilleur album Français de la décennie. Il est difficile de ne pas leur donner raison. Aucune partie n'a été négligée, la musique, les paroles, le chant, les arrangements, cet ensemble est travaillé comme peu d'artiste les travaillent.
Il est d'ailleurs
difficile de séparer l'explication entre musique, parole et le reste
car l'ensemble s'accorde si bien que ce serait dénaturer le travail
produit. De même une approche chanson par chanson briserait le fil
conducteur de l'album. Il faut avoir une vision plus global de cet
opus. Car de « Malaxe » à « Angora », Alain
Bashung nous fait vivre chaque morceau en nous emportant sur les
trois notes de départ.
C'est un des points
magiques de ces douze chansons. Elles nous accrochent, nous
harponnent et nous plonge dans l'univers créé par chaque mélodie.
L'entame de « Malaxe » (première chanson), tout en
crescendo planant avec ce rythme léger de batterie, invite à
l'écoute. Ce n'est pas qu'une introduction à la chanson c'est une
introduction à tout l'album. Tout en douceur on passe du néant à
la création. Il en va de même pour tous les morceaux, même les
plus étranges entames comme celle de « 2043 » ou
« Samuel Hall » sont intrigantes et poussent à écouter
toujours un peu plus, jusqu'au point où l'on ne peut plus s’arrêter
tant l'on est immergé dans les méandres musicaux inventés par
Bashung.
C'est un fait, une fois
lancé, la machine Fantaisie Militaire est impressionnante de
maîtrise, d'émotion et de puissance musicale dont il est difficile
de se défaire. Avec Jean Fauque, Bashung écrit des textes d'une
rare beauté. Les sujets abordés sont multiples, rarement joyeux.
L'album est noir, dans la ligné de « Play Blessures ».
Mais dans ces sujets parfois lourds, ils intègrent leurs jeux de
mots. Jeux de mot, c'est au sens noble du termes qu'ils les
utilisent, à la hauteur de ceux de Boris Vian si je me permet. Le
titre même de l'album est un sublime oxymore. Et ainsi toute la
magie opère, en nous offrant des bijoux de poésie on ne peux se
lasser de les écouter. Le texte de « Mes prisons » est
un caviar, bourré de double sens, la lourde ambiance s'envole au
grès des frasques littéraires des deux écrivains. Mais il n'est
pas le seul texte a être une réussite, au contraire, je dirais même
qu'ils le sont tous. Je n'arrive pas a en sortir un du lot, « Sommes Nous » ou encore « Fantaisie Militaire » comment
choisir un texte et dire qu'il est meilleur que les autres ? Le
niveau est tellement bon que j'en suis bien incapable. L'écriture
proposée est bien au dessus du niveau proposé par la plupart des
chanteurs de l'époque (même de nos jours d'ailleurs...). Ça ne
serait pas offenser la poésie que d'y affilier cet album.
En terme de musique, Alain Bashung est au-delà de la musique française, au-delà du rock, Alain fait du Bashung. Usant régulièrement de cordes, par exemple sur « La Nuit Je Mens » ou « Dehors », elles adoucissent les morceaux et renforcent les ambiances. Sur certain morceaux les résultats sont surprenant, par exemple on s'étonne à sentir le Moyen-Orient avant l'orage en écoutant « Au Pavillon Des Lauriers ». L'ensemble des ambiances résulte d'un habile mélange entre guitares rocks et claviers envoûtants. Pour les claviers « Aucun Express » reste un exemple des plus explicite de la réussite de cette création d'espace ou l'on se perd lors de l'écoute. Alors que pour les morceaux « rock » les guitares apportent soit un coté proche du sol, très root. Tant et si bien que « Sommes-nous » nous fait vraiment demander si « sommes nous la sécheresse ? ». Alors que parfois, ces mêmes guitare électriques sont froides, sur « Fantaisie Militaire » elles vous glacent de l’intérieur. Et pourtant c'est bien la guitare sèche qui apporte la chaleur du morceau « La Nuit Je Ment ». Cette diversité d'utilisation permet un album tout en nuance. Si l'on devait prouver que cet album a été travaillé et retravaillé il suffit de trouver les détails ajoutés aux morceaux. Le plus simple à expliquer est le piano sur « Fantaisie Militaire ». Deux notes lancinantes qui transforment l'ambiance déjà sombre, en l'enfer qu'il décrit.
Encore une fois, il est
impossible de pouvoir séparer les plusieurs parties de cette
musique, elles se complètent perpétuellement. Tout se mélange et
l'on ne peut dire que dans une chanson se trouve telles ou telles
parties séparément, c'est l'assemblage et le dosage quasi parfait
de ces passages si différents qui rendent l'album si réussit.
« Angora » parachève ce chef-d’œuvre. Dans la douceur du piano, Bashung pose ses dernières questions sur le monde d'alors. Dernière chanson décharnée, « Angora » devient le quai de gare sur lequel on quitte Bashung. Une fois que tout est dit ne reste que l'émotion, et bien il s'agit de cela avec ce morceau. Un au-revoir qui prend un tout autre sens au jour d'aujourd'hui.
L'un de mes plus grand
regret sera de n'avoir jamais pu écouter Alain Bashung en concert.
Les vidéos ne remplacerons jamais l'ambiance et la prestance dégagée
par cet homme qui a donné certaine des plus belles chansons du
répertoire Français. Avec Fantaisie Militaire, Bashung entre au
panthéon du rock Français.
Peu d'album m'ont autant
transporté et transformé. Ne vous arrêtez pas aux premières
impressions trompeuses, c'est une leçon de musique que nous offre
Alain Bashung, autant en profiter.
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