Je m'explique. J'aurais
bien aimé être moins hétéroclite, mais il s'agit vraiment des
trois personnes qui me sont venues en tête durant toute l'écoute.
Comme bien souvent lors
d'un premier opus, il suffit que la nouveauté soit assez surprenante
pour que l'on crie au génie; M.Kiwanuka n’échappe pas à
cette ineptie et on le compare déjà Bill Withers... Certes les
influences Soul-Américaine sont présentes. Et c'est d'ailleurs avec
joie qu'un morceau comme « I Won't Lie » nous plonge dans
les années 60 outre-Atlantique. Mais un peu de retenue est de mise
lorsqu'un garçon de 24 ans débarque dans un style que les plus
grands ont marqué au fer rouge. C'est d'ailleurs une difficulté non
négligeable de nos jours lorsqu'on décide de jouer sur les
plates-bandes de Monsieurs tel que Otis Redding ou Marvin Gaye, il
faut être bon ou c'est le pugilat. Heureusement pour lui Kiwanuka
dépoussière le genre et lui redonne la place qu'il mérite sur la
scène musicale, à savoir une grande place.
La comparaison à
O.Redding ne fait pas de doute, tant par la voix que par la façon de
chanter, on retrouve presque « Sitting On The Dock Of The Bay »
avec « I'll Get Along ». Pour faire court sur cette
comparaison, c'est tout l'album qui fleure les années soixante, ne
serait-ce que dans le set instrumental, les textures musicales ou les
rythmes utilisés. Il a même osé réutiliser, et soyons franc, avec
brio le concept de chœur à peine gospel sur certains refrains
(Bones). Mais ce que je trouve plus passionnant c'est le pouvoir qu'a
eu Kiwanuka à renouveler le genre sans pour autant le dénaturer.
Les jurés d'un télé-crochet s'emploieraient à marteler qu'il
s'est « approprié » le genre.
Cela commence avec
l'intronisation de la flûte ou flûte de pan ! Si cette idée
m'a au début dérouté, c'est en réalité la touche de nouveauté
qui vient relever les morceaux « Tell Me A Tell » et
« I'll Get Along ». Sans doute c'est ce qui m'a fait
penser à Claude François, cette flûte a un effet bien plus
important que de servir de fond sonore. Elle souffle la légèreté
aux morceaux et les transporte dans le domaine de la chanson dont on
garde un bon souvenir car cet air léger donne le sourire. Les
changements de tempo dans la même chanson sont autant de petits plus
qui accroche l'attention et comme ils sont réussis pour la plupart
on aime se faire surprendre en ré-écoutant plusieurs fois chaque
chanson. Je n'ai pas non plus souvenir d'avoir des arrangements aux
violons sur les premiers albums de Bill Withers, alors qu'ici ils
sont présents, discrets, utiles et loin d'envahir tout l'espace
comme sur l'album Born To Die de Lana Del Rey. Cet ajout accentue la
sensation de se laisser porter par les chansons, de façon légère,
jamais forcé par un torrent de cordes. On se surprend même à
écouter les petits accords de piano en regrettant la fin de l'album
sur « Worry Walks Beside Me ».
Pour ce qui est de la
comparaison à Ben Harper, elle apparaît lorsque Michael Kiwanuka
décide de se passer de cuivre et de se concentrer sur sa guitare.
« Home Again » fait partie de ces chansons, de même que
« Always Waiting ». Ce sont de ces chansons qui me font
regretter le temps où Ben Harper tournait avec les Innocent
Criminals et leurs rythmes Soul si groovy. Enfin...
Les textes ne sont pas en
reste, se proclamant de Bob Dylan (car oui Bob Dylan est une
religion) il reste dans la grande tradition des chansons des années
60 à savoir des textes sur les sentiments, le manque et l'envie de
l'autre (Rest). S'il n'atteint pas la quasi-poésie de Dylan, les
phrases tombent juste. Je ne me lasse pas de la déclaration d'amour
inscrite dans « Bones », parfois quelques mots suffisent
mais ceux-ci doivent faire effets à chaque fois : « I
guess I would leave this world alone, 'cause without you i'm just
bones ». Avouez que la gente féminine est gâtée tout de
même. Même « Rest » est joliment ciselé « I
won't let you go, go on a hurry. I won't let you cry, without a hand
to dry ».
Étant donné qu'un
premier album ne peut pas être parfait ( s'il était parfait, il n'y
aurait plus de progression possible et donc Kiwanuka serait obligé
d’arrêter la musique ce qui serait dommage, n'es-ce pas?), il
manquait donc forcement quelque chose à celui-ci. Après avoir
cherché quelques temps, l'évidence s'est jetée à mes oreilles. Il
aurait été impensable qu'un album de Soul soit lâché dans les
bacs sans qu'il contienne un Slow ! Qu'aurait été l'album Otis
Blue sans « I've Been Loving You Too Long » ? Car en
plus d'avoir inspiré toute la génération des années 50 ( Francis
Cabrel l'a adapté en Français sous le titre de « Depuis Toujours » sur l'album Hors-Saison), elle a surtout grandement
participé au Baby Boum !
Je ne pense pas qu'une
des chansons de Home Again puisse faire office de slow à proprement
parlé. Ce sera la seule fausse note de cet album dans l'ensemble
plus que réussi pour un premier jet. Cet « oubli »
n’enlève en rien au talent du jeune Michael Kiwanuka. La tâche la
plus dur pour lui commence, faire vivre sur scène toutes ses
chansons. Lorsqu'on est comparé à Otis Redding on se doit de faire
une fête, un événement de chaque concert. J'ai la chance d'avoir
un vinyle live de ce dernier. L'énergie transmise est phénoménale.
Je souhaite que les concerts de M.Kiwanuka soit aussi envoûtant et seulement alors,
il pourra mériter son titre de Redding des temps modernes !
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