vendredi 27 juillet 2012

The Good, The Bad and The Queen


Tout les mélomanes ont une histoire personnelle avec Damon Albarn. Il y a ceux qui l’ont découvert avec Blur, et ceux qui l’ont découvert avec Gorillaz. Et puis il y a ceux qui, comme moi, ne connaissant de Gorillaz et de Blur que des méga-tubes, l’ont réellement découvert avec The Good, The Bad and The Queen, avant de réécouter en profondeur ses premiers projets. Et à vrai dire, ce n’est pas forcément la moins bonne façon de découvrir Damon Albarn. Présentation de ce super-groupe surprenant.


Un casting impressionnant
Certes, Albarn, qui a une formation classique, a marqué de son empreinte l’histoire du rock en tant que leader de Blur, groupe ennemi d’Oasis et tête d’affiche de la Britpop des années 90. S’il s’était arrêté là, sa carrière aurait déjà été honorable. Mais à partir de 1998, il se lance dans le projet Gorillaz avec le dessinateur Jamie Hewlett : inutile de revenir sur le phénoménal succès de ce groupe virtuel qui a mélangé rock, rap, trip-hop et électro avec une rare virtuosité. Ici apparaît un autre acteur de l’aventure The Good, The Bad and The Queen : Danger Mouse, qui a produit l’excellent album Demon Days. Quant à Albarn, qui a eu le temps de reformer Blur plusieurs fois, il a enregistré deux opéras (Monkey, Journey to the West en 2007 et Dr Dee en 2012), produit Amadou et Mariam, joué du clavier sur la sublime chanson "Me and The Devil" de Gil Scott-Heron, et fondé très récemment le groupe Rocket Juice and The Moon (filez-donc écouter "Poison"¸ vous ne serez pas déçus) avec Flea et Tony Allen.
Le moins qu’on puisse dire c’est que Damon Albarn sait s’entourer. On le voit, ses groupes et collaborations, qui se sont tous chevauchés temporellement, ne se comptent plus. Néanmoins, dans la nébuleuse des artistes qui ont collaboré avec lui, un noyau dur semble se dessiner autour de Danger Mouse et de Tony Allen. Chacun d’entre eux a collaboré au moins deux fois avec Albarn, et ils se sont retrouvés ensemble sur le projet The Good, The Bad and The Queen.
Danger Mouse est à l’origine d’une bonne partie de ce qui se fait de mieux dans la musique actuelle. Gnarls Barkley, c’est à moitié lui. Il a cosigné le splendide dernier album de Sparklehorse (The Dark Night of the Soul), a produit Gorillaz (Demon Days), le dernier Norah Jones (Little Broken Hearts), Beck (Modern Guilt), et The Black Keys (El Camino). Il a même pris le temps de participer au projet Rome avec Daniele Luppi, Norah Jones et Jack White, non sans quelque réussite (Seasons’s Tree, Black).
Tony Allen est quant à lui imprésentable. Le batteur historique de Fela Kuti, pape de l’afrobeat, est doté d’un toucher reconnaissable au premier coup d’oreille. Plus récemment, il a donc participé aux projets de Damon Albarn, qui est notoirement connu pour être un passionné de musique africaine, mais il a aussi joué pour Sébastien Tellier sur son album Politics (oui, oui, la petite batterie légère de la Ritournelle, c’est bien lui), ou encore avec Mathieu Boogaerts. Il manque ici deux acteurs pour faire le tour de la formation The Good, The Bad and The Queen. D’abord Paul Simonon, le bassiste des Clash, qui a mis de l’eau dans le vin de sa hargne made in "London Calling". Ensuite Simon Tong, le guitariste de The Verve.
Avec une telle brochette de talents sous la houlette du chef d’orchestre Albarn, il ne pouvait que sortir quelque chose d’intéressant. Verdict ?


The Good, The Bad and The Queen: l’album
L’unique album de The Good, The Bad and The Queen a le même nom que le groupe et une pochette affreuse. La première écoute est déroutante : on y découvre une musique aux mélodies subtiles mais oubliables (Kingdom of Doom), aux sonorités étranges (Northern Whale), à la fois acoustiques et électroniques (History Song, The Bunting Song). Cette musique prend tantôt la forme de chansonnettes apparemment innocentes (The Bunting Song, Green Fields), tantôt celle de petites épopées progressives (Three Changes). Le tempo est lent, l’accompagnement rythmique très léger et le chant d’Albarn incantatoire. L’ensemble dissone, mais tient pourtant debout en dégageant une ambiance cinématographique presque fantastique. Il y a aussi ce dernier morceau, qui porte le nom du groupe et de l’album, peut-être le titre le plus en décalage avec le reste de l’œuvre : après avoir commencé sur un rythme pachydermique, il finit en grande envolée rock, presque punk. Et le moins qu’on puisse dire c’est que c’est réussi. 

 
De fait, les richesses de cet album ne se dévoilent qu’au bout de quelques écoutes. Et avec un peu de recul, il apparaît que TGTBTQ est un peu plus que la somme de ses membres. Il y a évidemment les explorations sonores d’Albarn, tête pensante du groupe qui maîtrise tous les genres et essaie de concilier les contraires. Mais on retrouve aussi des touches d’afrobeat dans la batterie de Tony Allen (Three Changes, Nature Springs), et la patte électronique de Danger Mouse, omniprésente, est intelligente. On regrette parfois le manque d’énervement du groupe, mais c’est un défaut pardonnable, tant la musique proposée est de qualité. Bref, dans la carrière sinueuse et touffue de Damon Albarn, The Good, The Bad and The Queen fut une expérience fructueuse. Moins FM que la musique de Blur ou de Gorillaz, celle de TGTBTQ n’a rien à leur envier : tout en conservant l’empreinte singulière d’Albarn, elle gagne en subtilité ce qu’elle perd en accessibilité. Dommage que l’expérience n’ait pas duré plus que le temps d’un album et d’une tournée !


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