Il
existe peu d’artiste pour qui j’ai eu une si rapide affection tant musicale
qu’humaine. Souvent ce n’est qu’avec le temps et quelques recherches que les
préjugés tombent et laissent apparaitre la vraie nature des chanteurs qui font
mes journées. Alors qu’avec Jamie Cullum, ce fut le coup de foudre. Tout est
parti, en 2009, d’un petit magazine en libre-service dont il faisait la
couverture pour ses 30 ans et son album du moment : The Pursuit. J’avais
déjà vaguement entendu parler de lui, un jeune pianiste voulant rabibocher jazz
et pop. Un projet bien trop saugrenu pour que ma curiosité en soit titillée à
l’époque. Mais devant cette couverture, ce trentenaire dans son fauteuil de
prince du jazz m’a paru si confiant (et bizarrement, si rassurant) que je me
suis empressé de me procurer The Pursuit. Grand bien m’en a pris.
Pétillant
et plein d’audace, cet album laisse entrevoir ce que la pop et le jazz ont de
meilleur à offrir lorsqu’ils marchent main dans la main. Passé la première
écoute, (qui fut en réalité une bonne vingtaine d’écoutes en boucle) à chaque
fois que je relançais The Pursuit je me disais « cette chanson est le
pilier de l’album », bien entendu à chaque fois il s’agissait d’une
chanson différente. Il n’existe pas de pilier comme j’aime le faire remarquer
dans d’autres albums. Celui-ci est construit différemment, il n’est pas fixe,
il se module suivant votre humeur du moment. Un jour de joie et
« Mixtape » devient votre hymne, un jour de spleen et c’est « If I Ruled The World » qui viendra se caler en bande son de votre journée.
Ce
n’est pas anodin si je parle de bande son car, du haut de ses 30 ans, Jamie
Cullum a déjà signé en grande partie la BO de « Bridget Jones » et
celle de son ami Clint Eastwood sur « Grand Torino ». J.Cullum a
l’habitude de placer ses notes sur la vie de tout un chacun, et encore une fois
avec cet album il le réussit parfaitement.
Comme
je l’ai souligné à plusieurs reprises, le jazz et la pop s’entremêlent tout le
long de l’écoute ; même si la pop laisse parfois la politesse sur certain
morceaux, ainsi « Just One Of Those Things » ou « I Think, I Love » sont entièrement jazz. La
puissance du premier cité est à saluer tant les cuivres sont utilisés de façon
à envoler la chanson au lieu d’être joués en fond sonore. C’est un peu le mal
du moment, les cuivres sont souvent cantonnés à une utilisation unique :
le background. Le domaine le plus touché et où, plus étonnant, tout le monde en
redemande, c’est au cinéma. Il n’existe presque plus une seul BA ne contenant
pas son contingent de cor et de cuivres militaires… Ici, avec cette reprise de
Cole Porter et la participation du Count Basie Orchestra, c’est une toute
nouvelle énergie qui nous transperce dès les premières mesures de l’orchestre. Lui-même,
lors d’une interview, déclare avoir été renversé de sa chaise lors ce que
l’orchestre à souffler ses premières notes !
Il
n’y a pas de réel chanson pop, le son du piano est trop présent pour oublier le
jazz. Les meilleurs mélanges sont souvent les plus audacieux. Si
« Mixtape » est des plus entrainant, ce n’est pas la plus recherchée
(mise à part sur les paroles qui prêtent à sourire pour tout amateur de musique
qui se respecte car ils se reconnaitront dans cette description du quotidien
d’un mélomane.) Elle n’en reste pas moins une superbe chanson de concert,
d’ailleurs puisque j’en parle, il faut absolument découvrir Jamie Cullum en
live. C’est un « performer » jouant du piano comme personne et
faisant corps avec son instrument presque animalement. Il aime le public et il
aime la musique, c’est tout ce qui compte. Pour vous guider je vous propose le concert du nouvel an à Bale « AVO Sessions » datant de 2010 gratuit
sur Youtube, il existe même une chaine le déroulant chanson par chanson. (Pour
les plus intéressé(e)s, je l’ai téléchargé. Donnez votre adresse dans les
commentaires et je vous l’envoie aussitôt !) C’est une merveille.
Revenons
à nos moutons et surtout aux audaces (et réussites) de mixage pop/jazz de cet
album résidant dans deux titres : « We Run Things » et
surtout dans « Music Is Trough ». Le premier est un savant mélange de
Keziah Jones et de Radiohead, le tout enrobé dans un fouillis de sons électro.
Pas forcément abordable à la première écoute, les refrains sont tout de même là
pour assurer une certaine cohésion dans le morceau. Puis, j’ai une affection
toute particulière pour « Music Is Trough », il m’évoque une sorte de
liberté (piano) mêlée à une course folle (basse). Partant sur des bases presque
rock, c’est dans les refrains que l’on prend conscience de la toute-puissance
de l’orchestration nous balançant un rythme toujours plus entrainant dans ce
qui semblait déjà être un train à pleine vitesse. Comme toujours le piano
s’invite dans des lieux où personne ne l’a jamais entendu et c’est des plus agréables.
Dans le duel basse/piano c’est à se demander qui aura le dernier mot, comme une
course que chacun domine à son tour. Musicalement on touche Pierrick Pédron
d’une main et Thelonious Monk de l’autre. Autant dire que cette dernière
chanson va vous laisser avec une seule envie : recommencer l’album !
Alors
bien entendu, je ne me suis pas épanché sur la reprise de « Don’t Stop TheMusic » qui vaut mille fois la version originale de Rihana (et qui en
concert vaut son pesant de cacahuètes pour la performance au piano), ni même
sur le superbe « If I Ruled The World » qui ruled my world depuis ma première écoute. Je serai bien trop expansif
à ce sujet que j’ai déjà eu l’occasion d’aborder dans un autre article pour la reprise de Rihana, alors que pour l’autre
seul les sentiments peuvent être mis en avant sur un tel chef d’œuvre (qui est
d’ailleurs aussi une reprise de Harry Secombe ou Tony Bennet « depending on how cool you are » comme
le dit Jamie !)
C’est
un album plein de rebondissements, et si je n’ai pas cité la moitié des chansons
c’est simplement que je n’ai traité que l’aspect mélange des genres. Mais,
chaque morceau vaut la peine d’être écouté car que ce soit « Wheels »
ou « You And Me Are Gone » ou n’importe quelle chanson de The
Pursuit, ce sont toutes de petits instants de vie agréable à revivre à volonté.
C’est un album foncièrement joyeux, même le spleen ne parvient à s’installer
lors de cette écoute.
Jamie
Cullum vient de rentrer en studio pour enregistrer son prochain album, sans
doute que vous en entendrez parler prochainement dans From (The Sounds) Inside !
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