samedi 1 septembre 2012

Dossier: "Au-delà de la mélodie, les mots (et réciproquement)" Conclusion



Il n'y a pas forcément besoin d'être musicien...


De nombreux auteurs ont su marier avec talent le verbe et la mélodie, qu’ils aient eu une âme de poète (Jean Ferrat, Boris Vian, Gil Scott Heron) ou un talent de romancier (Boris Vian encore, mais aussi Serge Gainsbourg). S’ils apparaissent à la frontière de la musique et de la littérature, chacun l’a fait à sa façon.
 
Des artistes que nous avons mentionnés, Vian est peut-être celui qui a pratiqué de la manière la plus évidente l’interpénétration de la musique et de la littérature : le jazz s’est introduit dans son œuvre littéraire de bien des manières, mais son sens littéraire a aussi largement imprégné sa musique. 

                                                   

Serge Gainsbourg, dont l’œuvre littéraire est moins touffue, est aussi connu pour la qualité de sa musique que pour celle de ses textes (qui, avant de déraper en fin de carrière, étaient très bons). Son style ampoulé, il l’a actualisé dans Evguénie Sokolov ; de même, ce roman a produit un morceau fait à base de pets. Gainsbourg a visiblement réussi à faire s’entrecroiser musique et littérature. Evguénie Sokolov mêle un style brillant présent dès les débuts de sa carrière et introduit les thèmes gras qu’on retrouve dans la suite de son œuvre : une sorte de synthèse entre Gainsbourg et Gainsbarre, entre Melody Nelson et Love on the Beat. 

                                          

Jean Ferrat, lui, était un poète-musicien qui a manifesté sa culture et sa sensibilité poétique au sein de ses œuvres musicales. Il ne semble pas  que l’Ardéchois de cœur ait laissé d’œuvre écrite, mais de même que Ferrat et Brassens à la même époque, il a fait rentrer la poésie d’autres artistes dans la sphère musicale, et lui a imprimé sa propre sensibilité. 

                                            

Ainsi, à l’interpénétration effectuée par Vian ou Gainsbourg se substitue probablement chez Ferrat un englobement de la poésie par la sphère musicale et chansonnière. La sensibilité poétique de Ferrat et les textes des poètes qu’il admire inspirent bon nombre de ses chansons ; de même, la chanson est un mode d’écriture de la poésie à part entière.

Quant à l’œuvre de Gil Scott-Heron, elle puise son unité tout entière dans la contestation et la lutte contre les discriminations raciales. Musique et production littéraire ne seraient ici que les deux faces d’une même pièce. Mais si le message est primordial, s’il a fait s’infléchir les formes musicales établies pour engendrer les débuts du rap, la mélodie n’est jamais absente, et la force des mots n’empêche pas ceux-ci d’exprimer leur pleine musicalité. 

                                     

Mais si des artistes polyvalents peuvent faire le lien, par leur vie, et le statut de leurs œuvres, entre différents domaines artistiques, il est tout aussi intéressant de considérer en quoi  les œuvres qu’ils produisent tissent des liens entre ces mêmes domaines. Ainsi, non seulement Vian a écrit et chanté, mais sa musique respirait sa gouaille, et sa littérature était imprégnée de jazz. Mais il n’y a pas forcément besoin d’être musicien pour intégrer la musique à la littérature. Un peu de passion suffit ! Les exemples sont nombreux, et c’est à eux que se consacre la suite de la rubrique.

Bonne lecture !
               
               

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