A
la lecture du titre, certain se disent déjà « Encore du Cabrel, comme s’il
n’y avait pas assez d’artistes à chroniquer ! » Ils ont sans doute
raison, après tout, tant qu’à faire un blog musical autant varier les plaisirs,
les genres et les chanteurs. Mais moi, j’adore Francis Cabrel. Je l’aime
d’autant plus qu’il reprend, dans son nouvel album sorti cette semaine, une
autre de mes idoles de la Folk : Bob Dylan. C’est donc tout naturellement
qu’il devient le premier artiste de From (The Sounds) Inside à se voir
consacrer une deuxième chronique. Alors pour contenter tout le monde, je
profiterai de cet album pour aborder le thème de la reprise, des
« Cover » comme aime le dire les plus anglophones d’entre vous, dans
le monde de la musique.
Je
ne présente pas Francis Cabrel, monolithe de la musique Française, prêcheur du
bon gout musical et de la réserve médiatique. N’hésitez pas à lire le précèdent article sur ce qui restera
pour moi l’un des meilleurs albums Français.
Il
va donc de soi que Vise Le Ciel est un bon album. Vous pensez sans doute qu’en
reprenant Dylan, le risque était minime tant ses chansons touchent au
génie ; ce n’était pas gagné pour autant. Le phrasé de l’Américain n’est
pas simple à traduire, sans parler qu’il ne fallait pas non plus tomber dans la
facilité au niveau des arrangements car, ceux de Dylan sont, avouons-le, déjà
mythiques.
C’est
donc avec un certain défi que Cabrel s’attaque à onze titres, plus ou moins
connu, de son idole absolu. Ce n’est pas la première fois qu’il traduit
Monsieur Dylan, déjà sur son précédent album Des Roses Et Des Orties il avait
repris « She’s an artist » avec brio. Il admet pourtant lui-même
qu’il ne sait pas faire de chansons, qu’il doit tout à son mentor :
« C’est Bob Dylan qui m’a appris à
chanter, […] j’écris comme il m’a
appris.».
Et bien, Dylan aura été bon professeur car, mis à part
« Comme Une Femme » qui penne à suivre l’original (ou peut être qui
voulant trop le suivre perd en fluidité), le reste de l’album est tout
bonnement un régal. Je porte une mention spéciale à la reprise de « All Along The Watch Tower » noté « D'En Haut De La Tour Du Guet »
sur l’album du Français. Cette chanson fut reprise par les plus grands (Jimi Hendrix, U2, Keziah Jones, Pearl Jam et j’en passe…) sans jamais vraiment se
voire changer, transformer. Cabrel, lui a eu la bonne idée de changer
l’orchestration, si bien qu’il aura fallu attendre que je me traduise les
paroles pour m’apercevoir de la transformation opérée. De même pour « Il
Faudra Que Tu Serves Quelqu’Un » qui est gratifié d’une guitare
« slide » pour notre plus grand plaisir. C’est par petites touches,
sans sembler vouloir se les approprier réellement, que Cabrel nous fait
découvrir et redécouvrir la Folk si douce et chaleureuse de Bob Dylan. Bonus
pour les non-anglophones, les textes sont traduits pratiquement mot à mot des
textes originaux. Ce détail a par ailleurs agacé Francis Cabrel qui explique la
gêne qu’il eut pour harmoniser ses traductions ainsi : « Le problème avec l’anglais, c’est qu’en une
phrase Dylan fait passer cinq images, c’est une langue compacte. Alors qu’en
Français, avec la grammaire et les règles de syntaxe, sur une même phrase j’ai,
malheureusement, du choisir deux ou trois image et donc en perdre par rapport à
l’original. » Qu’il se rassure, que ce soit « Je Te Veux »
ou même « Comme Blind Willie Mc Tell » (un vrai délice de Folk/Blues)
la traduction n’enlève rien à l’esprit premier de la chanson.
Francis
Cabrel n’est pas le premier à reprendre le répertoire d’un autre artiste pour
lui rendre hommage. (Je passerai sous silence ceux qui pour
« relancer » leur « carrière » trouve de bon gout de
massacrer « A Nos Actes Manqués » de Jean Jacques Goldman…) Pour
certain, comme Eric Clapton, le style qu’ils abordent s’y prête bien. Le Blues
a des racines si lointaine qu’il semble impossible de rendre hommage à tous
ceux qui inspirent les grand Bluesman (qui d’ailleurs eux même inspireront la
génération d’après). Eric Clapton a sorti récemment deux très bons albums de
reprises. Ne se limitant d’ailleurs pas à un seul artiste sur l’album Clapton
datant de 2007, il avait rendu un hommage sublime à Robert Jonhson sur Me And
Mr. Johnson. La question du pourquoi reprendre alors que l’on peut inventer n’a
pas lieu d’être dans ce cas précis, ni dans celui de Cabrel d’ailleurs. Dans
leur domaine respectif ils ont démontré qu’ils n’avaient rien à envier à
personne, à partir de là, l’envie de partager ses émotions au travers ce qu’on
chérie le plus en tant que musicien prend le dessus et cela nous offre de beau
instant de musique. Dans la catégorie des chanteurs faisant un album hommage,
j’aimerai citer Scott Walker qui reprend Brel avec une ferveur rare sur Scott
Walker Sings Jacques Brel. L’anglais n’est pas toujours la meilleure façon
d’aborder les textes de Brel, mais l’orchestration et la vivacité de cette
langue fait vivre sous un tout autre jour « Amsterdam » ou
« Mathilde ».
Il
existe d’autres façons de rendre hommage à un frisson qu’un autre nous a
procuré que de faire un album complet sur son œuvre. Les concerts se prêtent
bien à ce genre d’exercice. Pour ceux qui n’aiment intégrer que des phrases ou
de courtes parties de chanson (ces petits morceaux sont nommés
« Snippet ») il y a U2. « Amazing Grace », «It’s Only Rock’n’Roll », « God Only Knows », “Don’t Stop Till You Get Enough” et bien d’autres sont au programme ne serais ce que sur leur dernière
tournée ! Avant ça ils avaient repris « Helter Skelter » des
Beatles lors de Rattle And Hum, et il ne faut pas pousser Bono pour qu’il
s’attaque à n’importe quel morceau.
Sinon il y a toujours la façon de faire de
Jamie Cullum qui s’approprie totalement les chansons qu’il reprend. Dans sa
folie jazz certain titres sont devenu culte « Don’t Stop The Music » (Rihana),
« High And Dry » (Radiohead) et surtout « The Wind Cries Mary »,
reprise de Jimi Hendrix sublimement interprété dévoile toute les subtilités
qu’Hendrix était capable d’inventer. (De ma part, adorateur du maître Hendrix,
aimer une reprise à ce point ne doit que vous encourager à aller
l’écouter !)
Que
ce soit Cabrel, Clapton ou Cullum, chaque artiste a besoin de montrer ses
racines pour se faire comprendre et surtout pour se faire plaisir ! Avec
Vise Le Ciel, Francis Cabrel se fait plaisir en nous faisant redécouvrir
certaines chansons oubliées de Bob Dylan, et nous en profitons pleinement. Il
est tout de même rageant de penser qu’aucune des chansons de l’album ne soit de
sa propre main, en amoureux des mots il sait tout aussi bien nous faire voyager
au son de son Blues qu’avec ses textes si finement taillés. Vivement la
suite !