vendredi 29 juin 2012

The Absence - Melody Gardot


Quiconque s’est intéressé un tant soit peu à Melody Gardot connaît les grands traits de son histoire. Celle qu’on qualifie volontiers de nouvelle diva du jazz a un parcours bien connu. Un temps pianiste dans des piano-bars, elle se fait percuter par une Jeep en 2003, alors qu’elle fait du vélo à Philadelphie. Bilan : un an d’alitement, et une rééducation par la musique. Elle apprend la guitare, et se met à écrire des chansons douces, que ses sens devenus facilement irritables peuvent supporter. Son premier album, Worrisome Heart, est prometteur. Le suivant, My One And Only Thrill, est éblouissant, et lui a ouvert les portes d’une gloire internationale. 
 

Melody Gardot aurait pu arrêter sa carrière après ce deuxième album. On aurait retenu d’elle une voix incroyable, une mélancolie à fleur de peau, et un look pionnier. Hypersensible à la lumière, elle est contrainte de porter des lunettes de soleil ; physiquement fragile, elle s’appuie sur une canne. Elle pourrait avoir l’air d’une vieille peau ; de fait elle est rayonnante. Mais derrière son accoutrement de diva, on aurait surtout retenu que Melody Gardot est une belle âme, torturée, créative et sensible. Le documentaire « Melody Gardot,The Accidental Musician » dévoile chez elle une redoutable intelligence musicale, et plus fondamentalement, de la vie.
Mais l’artiste ne s’est pas arrêtée là. Elle est revenue le mois dernier avec un album (presque) tout à fait différent : The Absence.
Si Melody Gardot, comme elle le dit si bien, « voit la musique en images dans sa tête », alors force est de constater que les couleurs ont changé depuis My One And Only Thrill. « J’ai laissé entrer  la lumière », confie-t-elle au Parisien. Cette lumière, c’est celle de la samba brésilienne (« Mira », « Iemanja »), du tango argentin (« If I Tell YouI Love You »), du fado lisboète (« Lisboa », « Se Voce Me Ama »). C’est aussi celle de son nouveau producteur Heitor Pereira. Ces cultures, qu’elle connaissait déjà un peu, Melody Gardot les a réellement rencontrées au cours de ses tournées internationales, et elle a su les marier audacieusement. Pas de doute en revanche, Melody Gardot a toujours la même voix : elle susurre toujours ses paroles avec retenue, tout en lâchant les chevaux quand il le faut (« Goodbye ») et elle use toujours de cette sorte de scat si particulier qui charmait déjà dans des morceaux tels que « Baby I’m A Fool » ou « If The Stars Were Mine ». Pourtant, quelque chose a changé. Dans My One And Only Thrill, ses mots enveloppaient l’auditeur dans une charmante mélancolie, souvent consolidée par une orchestration symphonique. Dans The Absence, à quelques exceptions près, le ton, certes rarement joyeux, se fait pourtant plus sensuel. L’orchestration y joue pour beaucoup, qui exotise la mélancolie de Melody. La photo de l’album n’est pas non plus complètement étrangère à cette sensation.
Et pourtant, il y a de la continuité dans cette œuvre, au sens où The Absence prolonge, sous certains aspects, My One And Only Thrill. Car si Melody Gardot propose un nouvel album, c’est qu’elle a quelque chose à exprimer. Et chez elle, la musique vient nécessairement d’une forme de souffrance. Il n’est plus question de son accident : cette page est tournée. Gageons qu’il s’agit de la souffrance liée à ses départs précipités de pays qu’elle aime (la France, le Portugal, le Brésil en particulier), et, toujours un peu, de souffrances amoureuses. Le titre de l’album, The Absence, correspond selon Melody Gardot, à une traduction du terme portugais saudade qui signifie à la fois absence et présence, souffrance et joie. On comprend mieux sa nouvelle position musicale, entre ombre et lumière. Globalement, Melody Gardot est passée d’un jazz mélodique et mélancolique, à une world qui ne l’est pas moins. Quant à sa poésie, toujours centrée sur une évocation de sentiments intimes au travers des éléments naturels, elle a changé de référent : les plages (« Mira », « Iemanja »), se substituent aux étoiles (« If The Stars Were Mine », « Les Etoiles »), le soleil triste de Lisbonne (« Lisboa », « Amalia ») à la pluie (« The Rain »)


La continuité est également palpable si on réécoute My One And Only Thrill à la lumière de The Absence. Déjà, dans son opus mondialement acclamé, on pouvait sentir les influences de la musique latine chez la belle, notamment dans « If The Stars Were Mine ». Et si la musique a changé, certains morceaux de The Absence n’auraient pas choqué dans My One And Only Thrill, évoquant de façon similaire les méandres sentimentaux de Melody Gardot (« So We Meet Again My Heartache » fait par exemple penser à « Deep Within The Corner Of My Mind »). On remarque également dans My One And Only Thrill son goût pour la langue française (« Les Etoiles »), qui se manifeste ici, au milieu de son anglais natal et d’un portugais/espagnol charmant, par quelques vers dans la chanson « Impossible Love ».
Alors évidemment, cet album n’est pas parfait, et le tournant opéré par Melody Gardot lui fera perdre quelques fans en cours de route. Le manque d’énergie parfois ressenti est compensé par une évocation des sentiments moins poignante que dans son précédent opus. Peut être que ces sentiments sont aussi plus ambigus. La sincérité est toujours là, mais la personnalité s’est complexifiée : en prenant la lumière et en se diversifiant, Melody Gardot, toujours très sensible pourtant, a brouillé les pistes. On entendra de-ci de-là que Melody Gardot cède aux sirènes des exigences commerciales. Je préfère croire que son succès vient, outre de sa touche musicale unique, de sa sincérité. Le registre développé dans My One And Only Thrill aurait fait vendre longtemps. Melody Gardot a changé de vie, elle a donc changé de musique, quitte à s’attirer les foudres des puristes du jazz vocal, qui jugeront cet album sans intérêt. Sur The Absence sa musique n’est pas qu’un patchwork de Gilberto Gil, d’Amalia Rodrigues, de Vanessa da Mata ou encore de Stan Getz. Puisant ses inspirations dans ce qu’elle a vu et entendu, Melody Gardot s’est approprié, parfois maladroitement certes, tout cet univers. Sa couleur musicale et sa voix font le reste.


Pour ma part, l’éclectisme de Melody Gardot, sa sensibilité affichée et sa vision de la musique (qu’on comprendra mieux en regardant « The Accidental Musician ») m’ont conquis. The Absence, avec ses qualités et ses défauts, aussi. Pour Melody Gardot, la musique est une thérapie. Elle le sera donc aussi pour l’auditeur attentif.

vendredi 22 juin 2012

Fantaisie Militaire - Alain Bashung

Premier article des vacances, et comme les vacances sont l'occasion de renouveau,  From (The Sounds Inside) accueille avec plaisir un nouveau chroniqueur: Paul. Ses articles paraitront une semaine sur deux en alternance avec les miens, son premier papier sera publié la semaine prochaine. J’espère que cette collaboration vous sera agréable et je vous souhaite de bonnes vacances en notre compagnie.  

Dans un article précèdent, je regrettais la disparition d'une figure de proue de la musique française :Alain Bashung. C'est pourquoi il me semble inévitable que je vous fasse partager ce qui fut pour moi une révélation au niveau musical. Derrière cette révélation se trouve l'album Fantaisie Militaire. Le chef-d’œuvre de Bashung. Pour être franc, ce n'est ni un album simple ni un simple album. Son écoute doit se réaliser en plusieurs fois pour pouvoir pleinement en profiter. J'ai moi-même laissé tomber à la première écoute, puis des amis bienveillants m'ont chanté les louanges de chansons dont j'étais passé complètement passé à coté. Et au bout de quelques écoutes on se laisse emporter dans le monde de Bashung et l'on comprend pourquoi il s'agit d'un chef-d’œuvre.

En 1998, lors de sa sortie, les Inrock décrétèrent qu'il s'agissait du meilleur album Français de la décennie. Il est difficile de ne pas leur donner raison. Aucune partie n'a été négligée, la musique, les paroles, le chant, les arrangements, cet ensemble est travaillé comme peu d'artiste les travaillent.
Il est d'ailleurs difficile de séparer l'explication entre musique, parole et le reste car l'ensemble s'accorde si bien que ce serait dénaturer le travail produit. De même une approche chanson par chanson briserait le fil conducteur de l'album. Il faut avoir une vision plus global de cet opus. Car de « Malaxe » à « Angora », Alain Bashung nous fait vivre chaque morceau en nous emportant sur les trois notes de départ.
C'est un des points magiques de ces douze chansons. Elles nous accrochent, nous harponnent et nous plonge dans l'univers créé par chaque mélodie. L'entame de « Malaxe » (première chanson), tout en crescendo planant avec ce rythme léger de batterie, invite à l'écoute. Ce n'est pas qu'une introduction à la chanson c'est une introduction à tout l'album. Tout en douceur on passe du néant à la création. Il en va de même pour tous les morceaux, même les plus étranges entames comme celle de « 2043 » ou « Samuel Hall » sont intrigantes et poussent à écouter toujours un peu plus, jusqu'au point où l'on ne peut plus s’arrêter tant l'on est immergé dans les méandres musicaux inventés par Bashung. 
C'est un fait, une fois lancé, la machine Fantaisie Militaire est impressionnante de maîtrise, d'émotion et de puissance musicale dont il est difficile de se défaire. Avec Jean Fauque, Bashung écrit des textes d'une rare beauté. Les sujets abordés sont multiples, rarement joyeux. L'album est noir, dans la ligné de « Play Blessures ». Mais dans ces sujets parfois lourds, ils intègrent leurs jeux de mots. Jeux de mot, c'est au sens noble du termes qu'ils les utilisent, à la hauteur de ceux de Boris Vian si je me permet. Le titre même de l'album est un sublime oxymore. Et ainsi toute la magie opère, en nous offrant des bijoux de poésie on ne peux se lasser de les écouter. Le texte de « Mes prisons » est un caviar, bourré de double sens, la lourde ambiance s'envole au grès des frasques littéraires des deux écrivains. Mais il n'est pas le seul texte a être une réussite, au contraire, je dirais même qu'ils le sont tous. Je n'arrive pas a en sortir un du lot, « Sommes Nous » ou encore « Fantaisie Militaire » comment choisir un texte et dire qu'il est meilleur que les autres ? Le niveau est tellement bon que j'en suis bien incapable. L'écriture proposée est bien au dessus du niveau proposé par la plupart des chanteurs de l'époque (même de nos jours d'ailleurs...). Ça ne serait pas offenser la poésie que d'y affilier cet album.


En terme de musique, Alain Bashung est au-delà de la musique française, au-delà du rock, Alain fait du Bashung. Usant régulièrement de cordes, par exemple sur « La Nuit Je Mens » ou « Dehors », elles adoucissent les morceaux et renforcent les ambiances. Sur certain morceaux les résultats sont surprenant, par exemple on s'étonne à sentir le Moyen-Orient avant l'orage en écoutant « Au Pavillon Des Lauriers ». L'ensemble des ambiances résulte d'un habile mélange entre guitares rocks et claviers envoûtants. Pour les claviers « Aucun Express » reste un exemple des plus explicite de la réussite de cette création d'espace ou l'on se perd lors de l'écoute. Alors que pour les morceaux « rock » les guitares apportent soit un coté proche du sol, très root. Tant et si bien que « Sommes-nous » nous fait vraiment demander si « sommes nous la sécheresse ? ». Alors que parfois, ces mêmes guitare électriques sont froides, sur « Fantaisie Militaire » elles vous glacent de l’intérieur. Et pourtant c'est bien la guitare sèche qui apporte la chaleur du morceau « La Nuit Je Ment ». Cette diversité d'utilisation permet un album tout en nuance. Si l'on devait prouver que cet album a été travaillé et retravaillé il suffit de trouver les détails ajoutés aux morceaux. Le plus simple à expliquer est le piano sur « Fantaisie Militaire ». Deux notes lancinantes qui transforment l'ambiance déjà sombre, en l'enfer qu'il décrit.
Encore une fois, il est impossible de pouvoir séparer les plusieurs parties de cette musique, elles se complètent perpétuellement. Tout se mélange et l'on ne peut dire que dans une chanson se trouve telles ou telles parties séparément, c'est l'assemblage et le dosage quasi parfait de ces passages si différents qui rendent l'album si réussit.


« Angora » parachève ce chef-d’œuvre. Dans la douceur du piano, Bashung pose ses dernières questions sur le monde d'alors. Dernière chanson décharnée, « Angora » devient le quai de gare sur lequel on quitte Bashung. Une fois que tout est dit ne reste que l'émotion, et bien il s'agit de cela avec ce morceau. Un au-revoir qui prend un tout autre sens au jour d'aujourd'hui.
L'un de mes plus grand regret sera de n'avoir jamais pu écouter Alain Bashung en concert. Les vidéos ne remplacerons jamais l'ambiance et la prestance dégagée par cet homme qui a donné certaine des plus belles chansons du répertoire Français. Avec Fantaisie Militaire, Bashung entre au panthéon du rock Français.
Peu d'album m'ont autant transporté et transformé. Ne vous arrêtez pas aux premières impressions trompeuses, c'est une leçon de musique que nous offre Alain Bashung, autant en profiter.

vendredi 15 juin 2012

Standing At The Sky's Edge - Richard Hawley


C'est par hasard que j'ai découvert l'album du jour. Traînant chez un disquaire connu, je feuilletais un de leur magazine gratuit. Au milieu des sorties du mois de Mai, un mini-article vantait les mérites de Richard Hawley en ces quelques termes : «  […] sa voix de dandy se mêle aux guitares psychédéliques, ses compositions gagnent en profondeur. Magistral. » Il n'en fallait pas tant pour que j'en soit des plus intrigué. Je me méfie souvent des nouveautés mises en avant dans de pareils ouvrages, car la déception est souvent au rendez-vous, les superlatifs n'étant jamais assez nombreux pour faire acheter. Peu importe, je me procure Standing At The Sky's Edge. La suite relève de la claque musicale.


Je n'ai que trop rarement entendu en seulement neuf chansons autant de densité sonore et de qualité musicale lié à un tel style. Autant commencer par le début, premières seconds d'écoute et déjà première gifle. L'introduction de « She Brings The Light » débute lentement, quelques cordes se frottent puis vient le vent d'un violon. L’ambiance est déjà installée, nous sommes avant l'orage et l'air nous oppresse. Attention, il s'agit de cette oppression que l'on sait qu'elle débouchera sur une libération jouissive, et ici, l'orage tombe avec cette avalanche de guitares saturées telle la pluie après des heures de chaleur sans air. En plus d'être musicale, je veux bien faire comprendre que cette claque est presque physique, et que ce relâchement, cette déferlante se ressent au plus profond de nous même et nous procure un bien fou. Ce sentiment se répète bon nombre de fois durant toute l'écoute de l'album. A chaque fois, on se laisse impressionner par la qualité du changement de rythme et de cette tornade musicale qui nous transporte loin, très loin... Parfois même, alors que vous serez encore sous le choc de la première lâchée de son, vous tombera et s'enfoncera au plus profond de vos tympans un solo encore plus percutant. C'est en quoi cette première chanson est une parfaite intro, elle comporte tout ce que l'album aura de meilleur en condensé. Cela ne veut pas dire qu'il s'agit du meilleur morceau, car développer toutes ces parties tient tout d'abord du bon goût et surtout d'une grande ingéniosité.
Une des grandes réussites de cet album est d'avoir lié plusieurs chansons ensemble. J'apprécie ce procédé qui nous plonge dans deux univers successifs mais avec une continuité au niveau des paroles et donc de « l'histoire » racontée. Richard Hawley l'utilise à deux reprises en suivant le même modèle, à savoir qu'il lie une chanson aux sonorités plutôt proches de la Folk douce à une chanson à la suite totalement ancrée dans le Rock psychédélique. On a donc le très planant « Time Will BringYou Winter » suivi du redoutablement rythmé « Down In The Wood » ainsi que le très fragile « The Wood Collier's Grave » suivi du sublime et sans aucun doute meilleure chanson de l'album, peut être même meilleure chanson Rock de 2012 pour le moment, j'ai nommé « Leave Your Body Behind You ». D'ailleurs, pour réellement apprécier les deux morceaux plus mouvementés, il est nécessaire d'en passer par ceux qui les précèdent, car en plus de respecter l'ambiance souhaitée et mise en place par Richard Hawley, vous prendrez plaisir à prendre une secousse monumentale au passage des deux univers.


Musicalement parlant, l'ancien membre des Pulp s'ouvre à trois grands thèmes : le Rock, le Rock psychédélique/planant et la Folk. Avec ces trois thèmes il compose, parfois en les mélangeant dans un même morceau, des petits bijoux à écouter sans modération.
Je vais commencer par la Folk, car après avoir vanté la qualité de ce 8ème opus à vous secouer, il faut aussi savoir qu'il sait aussi être calme et reposant. L'emplacement au sein de l'album des deux morceaux est parfait, ils se trouvent entre les deux doublettes de chansons, moteur de l'album. Pris entre deux turbulents orages, nos deux chansons Folk font leur travail d’apaisement avec brio. La première, « Seek It », me fait penser à Johnny Cash dans la façon de chanter et Bob Dylan pour la musique que je trouve très proche de « Like A Rolling Stone ». Un ton léger sur une musique légère pour parler d'amour, rien de tel pour se poser après la course poursuite imposer par « Down In The Wood ». Ensuite vient se glisser le doux-amère « Don't Stare At The Sun ». Le premier nom qui m'est venu en tête lors du passage du morceau est Alain Bashung. L'ambiance y est pour beaucoup dans cette vision de notre regretté Bashung, le doux-amère, la voix calme et posée et même dans ce lancinant solo de fin, d'une rare qualité de part son coté ultra-mélodique, j'ai cru entendre « La Nuit Je Mens » de Monsieur Bashung.
Je ne reviendrai pas sur les morceaux Rock que sont « She Brings The Light » et « Down In The Wood » par contre c'est au travers du coté Rock psychédélique/planant dont font partie « Leave Your Body Behind You », « Time Will Bring You Winter » et « Standing At The Sky's Edge » j'aimerais apporter une mention spéciale au chant et à la voix splendide de Richard Hawley. Je ne taris pas d'éloge à l'encontre de « Leave Your Body Behind You » qui se permet même des chœurs en fin de morceaux pour mettre en valeur la voix de R.H. Mais c'est bien au travers de « Standing At The Sky's Edge » que l'on prend la mesure du personnage. Au delà d'un texte superbe, on imagine clairement cette voix sortir du ciel comme un rayon de lumière d'entre les nuages noirs. La réverbération y est pour beaucoup et Hawley ne lésine pas sur les effets pour arriver à ciseler ses sublimes ambiances. L'image du rayon de lumière transperçant les nuages ne m'aura jamais quitté de tout l'album, une telle profondeur dans la voix me fait toujours penser à une sorte de hauteur de la part du chanteur, puis cette la notion de « Sky's Edge » me fait penser au Tout Puissant.

Pour finir, « Before » est une synthèse de l'album. Au même titre que « She Brings The Light » était une introduction réussie, « Before » clos l'album avec classe. Reprenant successivement chaque style utilisé tout au long de l'album, j'ai encore pris une claque lors de la transition Folk/Rock qui tombe à point nommé pour glisser sur le planant final au son de la grave voix de Richard Hawley.


J'ai adoré cet album. Bien plus qu'un amas de bonnes chansons, Richard Hawley a réussi à les assembler de telle façon qu'elle nous offre un récit construit et agréable aux oreilles. Un autre ordre pourrait, sans le rendre banal, le rendre bien moins attrayant. C'est vraiment ce que j'aimerais retenir : il s'agit d'un des albums les mieux ficelé de 2012. Car en plus d'avoir de l'inspiration et de la qualité dans la musique, les moindres détails ont été travaillés, jusque dans l'ordre des chansons. Chose sur laquelle peu d'artiste se pose des questions, pourtant le résultat est là. Le travail paye toujours, Richard Hawley et Standing At The Sky's Edge en sont la preuve.

vendredi 8 juin 2012

Un Samedi Soir Sur La Terre - Francis Cabrel


Il est toujours difficile d'écrire sur ce qu'on aime le plus. Je ne sais jamais par quoi commencer et j'aimerais juste écrire sublime à chaque phrase. J'en fais à l'instant l’expérience en voulant vous faire partager mon amour pour l'album Samedi Soir Sur La Terre de Francis Cabrel. Les chanteurs Français ne sont pas beaucoup représentés dans ce blog alors qu'en réalité j'aime la langue Française quand elle est chantée. Je corrigerais cet oubli dans un futur proche.
Le fait est qu'en 1994 sort Samedi Soir Sur La Terre dans les bacs et comme à chaque sortie de Francis Cabrel, le succès est au rendez-vous. Pourtant déjà, nombre de détracteurs lui reproche son côté proche du terroirs et de sa famille jusqu'à le faire passer pour le chanteur « minéral » pour vieux aux yeux de toute une génération. C'est bien dommage. Rien n'est plus ancré dans l'actualité que les textes de Cabrel. Peu importe qu'ils aient été écris il y a de ça presque 20 ans, vous pouvez écouter chaque chanson et la coller à un fait de votre vie présente. Ne dis-t-on pas que les textes intemporels sont ceux des plus grands ? Dans ce cas Francis Cabrel en fait partie. 


Il est indéniable que mon attachement à cet album est lié à mes expériences vécues en l'écoutant. Mais au delà du plaisir qu'il me procure en me plongeant dans mes souvenirs, cet album est d'un point de vue technique un bijou. Du travail d’orfèvre musicalement et textuellement pour nous offrir une œuvre telle une chapelle : on remarque la beauté générale au premier coup d’œil puis on s'attarde sur la qualité des détails en s'en émerveillant à chaque fois un peu plus. Ainsi, un Samedi Soir Sur La Terre est bâti de façon à reposer sur quatre monuments de la chanson Française : « Samedi Soir Sur La Terre », « La Corrida », « Je T'Aimais, Je T'Aime, Je T'Aimerai » et « Le Noceur ». Ce sont les fondations de l'opus. Nombre d'artiste aimeraient avoir ce genre de chansons dans leur discographie entière, Cabrel les a sur un seul album. Lorsque je faisais référence à l'intemporalité des textes, je tiens ici, sur mes quatre premiers morceaux, la preuve de ce que j'avance.
Lancer depuis des années, le débat sur la corrida est toujours d'actualité. J'ai eu la chance d'écouter cette chanson en concert, les arrangements de base sont si simple et si parlant, que sa retranscription sur scène n'en ai que meilleur. Tout a été dit sur « La Corrida », Cabrel prend position dans le débat par un angle d'attaque sublime. Chanter à la première personne tel le taureau dans le couloir de la mort, l’ingéniosité du procédé est stupéfiante. Le texte n'est pas compliqué et pourtant il accroche. Musicalement, le petit riff de guitare est entré dans la mémoire collective ainsi que le dernier couplet chanter par les Gipsy Kings en Espagnol. Les claviers rendent la mélodie venue d'Andalousie bien plus envoûtante sur les refrains. Ces mêmes claviers qui font l'introduction d'un « Samedi Soir Sur La Terre » prennent une dimension onirique sur cette chanson. Encore une fois, ces soirées d'une nuit sont 18 ans plus tard encore au goût du jour et se multiplies même de plus en plus. C'est une fable sur deux jeunes commençant « une aventure sur le siège arrière d'une voiture », les figures de styles se succèdent pour mettre en image une chanson des plus cinématographique. Ce titre est tout en crescendo, partant de la rencontre sur la guitare sèche et claviers, pour finir aux ébats amoureux dans un enchevêtrement, tel ceux des deux protagonistes, de solo de guitares et saxophone d'une justesse rare. Sur un morceaux comme celui-ci Cabrel nous rappel qu'il aime le Blues et le Jazz et que ses premiers amour sont Son House et Charley Patton, monstres sacrés de ces genres. Pour moi c'est la plus belle chanson de l'album. On sent ces personnages, on vit avec eux ce samedi soir et la passion éphémère qu'ils vivent. Comment ne pas être happé par ce déchirement de distorsion offerte par la guitare, comment ne pas se voir dans les yeux de cette jeune fille dans les rondeurs du saxophone ? De laisser la fin en roue libre musicale, comme un don de soit à l'autre, j'aime cette image de ne pas se soucier du « après » retranscrite ici.


« Le Noceur » est sans doute la moins connue des quatre citées précédemment. Elle reste dans le domaine de la nuit. Par contre, seul le Jazz est invité et il donne de la profondeur à une chanson qui aurait pu être bien fade interprété autrement. Le jeux de mot « Noceur » « No Sir » est l'un de mes favoris de l'album, encore une preuve de l’intelligence de l'écriture. Francis Cabrel sait s'entourer lorsqu'il s'agit de faire de la musique de qualité et ce morceau le prouve, un Jazz frais, désinvolte et sans fausse note ou excès de confiance. Puis, cette facilitée à laisser s'exprimer les autres en même temps que son texte fait avancer la chanson bien plus souplement, on se meut au rythme du noceur. Enfin, dernier pilier de l'album : « Je T'Aimais, Je T'Aime, Je T'Aimerai ». Ce morceau prouve deux choses : tout d'abord, que Cabrel est un compositeur hors norme, bien trop sous estimé. En deuxièmement qu'il ne faut pas forcement une armada de violon et de clavier pour faire une belle chanson d'amour. Une guitare et des chœurs cela est bien suffisant lorsqu'on a un texte d'une telle beauté. On ne se rend plus compte de cette beauté de par le nombre d'écoute trop importante, on entend le texte sans l'écouter, alors qu'il vaut nombre de poèmes.
Arrive ensuite les détails de l'édifice avec des chansons aux caractères tous différents. Dans un domaine très construit et très blues viennent se loger « Assis Sur Le Rebord Du Monde » et « La Cabane Du Pécheur ». Avec ces deux là, des dizaines d'images nous sont données pour faire notre propre film, la qualité de l'écriture est encore à mettre en avant. C'est fou à dire car tant dans l'une et l'autre la part belle est faite à un solo en arrière plan qui évolue au long de chaque mélodie jusqu'à gagner sa place en fin de chanson. Je suis très amateur de solo mais c'est pourtant la mélodie qui me charme à chaque fois, surtout sur « La Cabane Du Pécheur », quel talent... Francis Cabrel aime la musique en général et c'est pour cela que le style manouche fait une petite apparition au sein des « Vidanges Du Diable » au niveau de l'accompagnement. La chanson plus traditionnelle Française se trouve dans le duo « L'Arbre Va Tomber » et « Octobre ». Ce n'est pas une critique bien au contraire que de les poser en chansons Françaises, elles en font toute partie. Il s'agit juste de ne pas leurs donner un autre genre qui viendrait les agrémenter un peu plus. Sans vouloir me répéter mais l’expansion de l'Homme sur la forêt est encore une réalité de nos jours, et par une approche romantique de l'arbre Cabrel se pose en défenseur de cette cause pratiquement perdue.

« Tôt Ou Tard S'EnAller » conclu l'album de façon curieuse. Elle paraît inachevée ou du moins volontairement décharnée. Une sorte d’au revoir qu'on ne souhaite pas, un retour sur soit même et sur ce qui a été accompli ou non. Il y a du regret, « j'avais des rêves », tout comme j'ai du regret à chaque fois que l'album se termine, car oui il faut bien «  Tôt Ou Tard S'En Aller »


J'ai eu du mal à débuter cet article, j'aurai du mal à le finir, car c'est la fin du plongeon dans l'univers de Francis Cabrel. Cet univers qui se compose tant par ses superbes textes que par ses mélodies qui vous emportent et vous dessinent des histoires où l'on aime être le héros. Je ne ferme jamais complètement la parenthèse Cabrel, elle est toujours ouverte. Les soirs où rien ne va, rien ne convient. Lui, et un « Samedi Soir Sur La Terre » conviennent toujours.

vendredi 1 juin 2012

Nikki - Nikki Yanofsky


Je ne suis pas, comme beaucoup, fan des chanteurs adolescents. Souvent poussés par la famille à la recherche d'une rente facile, ces petits chanteurs se retrouvent le plus souvent écrasés par le système et plus vite oubliés que jamais. Mais comme à toute règle il faut une exception, Nikki Yanofsky sera mon exception. Sur scène avec des Bands monstrueux depuis l'age de treize ans, elle impressionne par sa capacité technique et sa présence scénique pour une si petite fille. Méconnu en Europe, (elle a tout de même remplie l'Olympia en Octobre 2011 alors qu'elle n'avait que 17 ans!) elle est surtout reconnue en Amérique du Nord où se concentre la majorité de ses tournées, à mon grand dam... 


J'entends déjà les sceptiques assurer que c'est la candeur de cette jolie jeune fille qui lui donne tant d'attraits pour les médias et les spectateurs. Ces gens-là ne l'ont pas écouté chanter, jamais. C'est pourquoi avant de traiter son album sobrement intitulé Nikki, je vous propose d'écouter quelques reprises faites durant un concert de 2008 qui ne pourront pas vous laisser indifférent. Tout d'abord, si vous écoutez « Swingin' On The Moon » de Mel Tormé, on se demande bien ce qui va sortir de cette bouche encore encombrée par des bagues d'orthodonties. La première fois que sa voix atteins nos oreilles, plus de doute possible, nous avons affaire à une grande en devenir. La maîtrise des paroles est tout simplement bluffant pour une enfant de son âge, la diction est parfaite et le rythme est dompté. S'il fallait encore un exemple je conseillerai « It Don't Mean a Thing (If It Ain't Got That Swing) » de Duck Ellington (s'il vous plait!). Encore une fois elle impressionne avec la simplicité qu'elle a à enchaîner chaque phrase, mais au-delà de la technique, c'est sa présence sur scène qui me laisse sans voix. Elle habite cette scène, un charisme incroyable (et un charme indéniable) qui magnifie la performance.
 
Deux ans passent depuis ces concerts et un album voit le jour : Nikki.
Elle aime le définir comme une partie d'elle en insistant sur le fait que les reprises représentent le plus profond d'elle même et de ce qu'elle aime chanter quand il s'agit de Jazz. En effet, l'album se compose pratiquement à part égale de reprises et d'original. Ses classiques sont parfois connus « Over The Rainbow » ou plus méconnu « God Bless The Child » et sont plus ou moins réussis. Le problème de cet album réside dans le fait qu'il est difficile de ne pas trouver du moins bon au milieu de tout le bon que j'aimerais en dire.


Il faut dire que c'était prévisible, après tant d'émerveillement sur des « lives », un support disque allait sembler fade. Mais il n'y a pas que ça. Il y a de la « popisation » dans l'air de cet album et ça lui donne par moment des relents de mauvais mix Pop/Jazz. N'est pas Jamie Cullum qui veut. Les morceaux « For Another Day » ou « Never Make It On Time », ne sont rien d'autre que des ballades Pop comme il en existe des centaines. L'ennui, c'est d’essayer tant bien que mal de les faire passer pour des ballades Jazz entraînantes et de nous retrouver avec des hybrides ne sachant pas sur quel pied danser. Pour aller au bout de ma pensée, j'aurais vu sans problème Justin Bieber chanter « For Another Day » et en faire un tube... Il en va de même pour « Bienvenue Dans Ma Vie » qui manque cruellement de background d'un point de vue de l'écriture (idem pour la chanson précédente), on n’écrit pas en Français pour justifier un accordéon et cela manque trop de vécu. Or le Jazz c'est du vécu, elle qui nous le jetait à la figure en s'appropriant les textes de ses reprises se voit un peu limitée quand il s'agit de faire partager le sien. Pour finir avec le négatif, et c'est sur ce point que ma déception est plus forte : les reprises loupées. J'ai vu « I Got Rhythm » dans un talk-show Canadien et ce fut un réel plaisir alors que sur l'album la chanson est totalement ratée. Plate et sans entrain, à aucun moment Nikki n'arrive à la hauteur du monument qu'elle attaque. Le must revient tout de même à « Over The Rainbow » qui se transforme en démonstration vocale involontaire et maladroite. Chaque partie est faite différemment et on s'envole dans des hauteurs que cette chanson ne mérite pas. Aucune chanson ne mérite ça, être pris à partie pour mettre en valeur le chanteur, c'est l'inverse qui doit être fait.


Vous trouverez sans doute ces remarques sévère car au fond l'album n'est pas mauvais, loin de la. Mais sous couvert du dicton « Qui aime bien, châtie bien » je me dois de mettre l'oreille là où ça fait mal.

Car oui, j'aime cet album. Je l'aime d'autant plus que lorsque Jimmy Page et Robert Plant ( Led Zeppelin) approuve une reprise de « Fool In The Rain » dans un machup avec « On The Sunny Side Of The Street » et qu'on le chante comme Nikki le chante, alors là seulement elle mérite de faire partie des grandes. Les arrangements de ce mélange sont sublimes et l'orchestre sort grandi de la prestation. Il en va de même pour les deux titres bonus « It's A Small World After All » (musique d'attraction des poupées à Disneyland Paris!) et « Plus Je T'Embrasse » de Blossom Dearie. Ces deux morceaux sont ce que j'aime chez Nikki Yanofsky : de l’enthousiasme, de l’énergie, une puissance vocale maîtrisée au service de la chanson et surtout un plaisir pris qui nous est immédiatement transmis, on la voit sourire en chantant. La reprise de « Try Try Try » swing et nous fais découvrir le monde de la chanteuse de San Fransisco Feist. De mon point de vue, pour la meilleure reprise il faut se tourner vers « God Bless The Child » de Billie Holiday. Je n'arrive même pas décrire la beauté du morceau, le plaisir que l'on prend à l'écouter ainsi la perfection d'une interprétation aboutie. Le tout sachant qu'elle vient tout juste d'avoir 18 ans, juste chapeau bas. Si vous souhaitez mettre en relief cette interprétation, allez écouter l'originale et appréciez la qualité du de l'hommage rendu par Nikki en la faisant apparaître sur son album.
Ses créations ne sont pas en reste et « First Lady », qui est pourtant dans la même veine musicale que « Bienvenue dans ma vie », est une vraie bonne ballade de Jazz. En respectant les codes de ce type de morceau, elle offre à sa voix l'opportunité de nous transporter dans les méandres des balais de la batterie et elle le réussit tout en finesse. « Take The « A »Train » et « Cool My Heals » sorte un Jazz très frais et bien plus enlevé, frôlant parfois la Pop sans mal. Et si Nikki décide de faire de la Pop, qu'elle le fasse pleinement comme avec le très accompli « Greys Skies ». Elle s'ouvre un nouvel horizon où sa voix lui permettra de se balader au milieu de ces chanteurs à ordinateurs.


Pour conclure je dirais que cet album mérite qu'on s'y attarde dessus, même si tout n'est pas parfait, même s'il comporte quelques erreurs de jeunesse, même si on ressent la pression du système qui veut la rentabilité immédiate des jeunes artistes. Il y a, dans cet album, la volonté de créer quelque chose de nouveau, loin de tout ce qui s'entend à la radio et surtout il en ressort un amour pour la musique qui se transmettra forcement si vous prenez la peine de l'écouter. Nikki Yanosfky a tout pour devenir une immense chanteuse : sa voix, son charisme et sa présence sur scène sont des atouts impensables pour une fille de son age. Ses choix futurs décideront si elle se range du coté du profit, réduisant à néant son talent, ou de l'art pour notre plus grand bonheur. Avec un album pareil, il semblerait qu'elle prenne la bonne voie.