vendredi 1 juin 2012

Nikki - Nikki Yanofsky


Je ne suis pas, comme beaucoup, fan des chanteurs adolescents. Souvent poussés par la famille à la recherche d'une rente facile, ces petits chanteurs se retrouvent le plus souvent écrasés par le système et plus vite oubliés que jamais. Mais comme à toute règle il faut une exception, Nikki Yanofsky sera mon exception. Sur scène avec des Bands monstrueux depuis l'age de treize ans, elle impressionne par sa capacité technique et sa présence scénique pour une si petite fille. Méconnu en Europe, (elle a tout de même remplie l'Olympia en Octobre 2011 alors qu'elle n'avait que 17 ans!) elle est surtout reconnue en Amérique du Nord où se concentre la majorité de ses tournées, à mon grand dam... 


J'entends déjà les sceptiques assurer que c'est la candeur de cette jolie jeune fille qui lui donne tant d'attraits pour les médias et les spectateurs. Ces gens-là ne l'ont pas écouté chanter, jamais. C'est pourquoi avant de traiter son album sobrement intitulé Nikki, je vous propose d'écouter quelques reprises faites durant un concert de 2008 qui ne pourront pas vous laisser indifférent. Tout d'abord, si vous écoutez « Swingin' On The Moon » de Mel Tormé, on se demande bien ce qui va sortir de cette bouche encore encombrée par des bagues d'orthodonties. La première fois que sa voix atteins nos oreilles, plus de doute possible, nous avons affaire à une grande en devenir. La maîtrise des paroles est tout simplement bluffant pour une enfant de son âge, la diction est parfaite et le rythme est dompté. S'il fallait encore un exemple je conseillerai « It Don't Mean a Thing (If It Ain't Got That Swing) » de Duck Ellington (s'il vous plait!). Encore une fois elle impressionne avec la simplicité qu'elle a à enchaîner chaque phrase, mais au-delà de la technique, c'est sa présence sur scène qui me laisse sans voix. Elle habite cette scène, un charisme incroyable (et un charme indéniable) qui magnifie la performance.
 
Deux ans passent depuis ces concerts et un album voit le jour : Nikki.
Elle aime le définir comme une partie d'elle en insistant sur le fait que les reprises représentent le plus profond d'elle même et de ce qu'elle aime chanter quand il s'agit de Jazz. En effet, l'album se compose pratiquement à part égale de reprises et d'original. Ses classiques sont parfois connus « Over The Rainbow » ou plus méconnu « God Bless The Child » et sont plus ou moins réussis. Le problème de cet album réside dans le fait qu'il est difficile de ne pas trouver du moins bon au milieu de tout le bon que j'aimerais en dire.


Il faut dire que c'était prévisible, après tant d'émerveillement sur des « lives », un support disque allait sembler fade. Mais il n'y a pas que ça. Il y a de la « popisation » dans l'air de cet album et ça lui donne par moment des relents de mauvais mix Pop/Jazz. N'est pas Jamie Cullum qui veut. Les morceaux « For Another Day » ou « Never Make It On Time », ne sont rien d'autre que des ballades Pop comme il en existe des centaines. L'ennui, c'est d’essayer tant bien que mal de les faire passer pour des ballades Jazz entraînantes et de nous retrouver avec des hybrides ne sachant pas sur quel pied danser. Pour aller au bout de ma pensée, j'aurais vu sans problème Justin Bieber chanter « For Another Day » et en faire un tube... Il en va de même pour « Bienvenue Dans Ma Vie » qui manque cruellement de background d'un point de vue de l'écriture (idem pour la chanson précédente), on n’écrit pas en Français pour justifier un accordéon et cela manque trop de vécu. Or le Jazz c'est du vécu, elle qui nous le jetait à la figure en s'appropriant les textes de ses reprises se voit un peu limitée quand il s'agit de faire partager le sien. Pour finir avec le négatif, et c'est sur ce point que ma déception est plus forte : les reprises loupées. J'ai vu « I Got Rhythm » dans un talk-show Canadien et ce fut un réel plaisir alors que sur l'album la chanson est totalement ratée. Plate et sans entrain, à aucun moment Nikki n'arrive à la hauteur du monument qu'elle attaque. Le must revient tout de même à « Over The Rainbow » qui se transforme en démonstration vocale involontaire et maladroite. Chaque partie est faite différemment et on s'envole dans des hauteurs que cette chanson ne mérite pas. Aucune chanson ne mérite ça, être pris à partie pour mettre en valeur le chanteur, c'est l'inverse qui doit être fait.


Vous trouverez sans doute ces remarques sévère car au fond l'album n'est pas mauvais, loin de la. Mais sous couvert du dicton « Qui aime bien, châtie bien » je me dois de mettre l'oreille là où ça fait mal.

Car oui, j'aime cet album. Je l'aime d'autant plus que lorsque Jimmy Page et Robert Plant ( Led Zeppelin) approuve une reprise de « Fool In The Rain » dans un machup avec « On The Sunny Side Of The Street » et qu'on le chante comme Nikki le chante, alors là seulement elle mérite de faire partie des grandes. Les arrangements de ce mélange sont sublimes et l'orchestre sort grandi de la prestation. Il en va de même pour les deux titres bonus « It's A Small World After All » (musique d'attraction des poupées à Disneyland Paris!) et « Plus Je T'Embrasse » de Blossom Dearie. Ces deux morceaux sont ce que j'aime chez Nikki Yanofsky : de l’enthousiasme, de l’énergie, une puissance vocale maîtrisée au service de la chanson et surtout un plaisir pris qui nous est immédiatement transmis, on la voit sourire en chantant. La reprise de « Try Try Try » swing et nous fais découvrir le monde de la chanteuse de San Fransisco Feist. De mon point de vue, pour la meilleure reprise il faut se tourner vers « God Bless The Child » de Billie Holiday. Je n'arrive même pas décrire la beauté du morceau, le plaisir que l'on prend à l'écouter ainsi la perfection d'une interprétation aboutie. Le tout sachant qu'elle vient tout juste d'avoir 18 ans, juste chapeau bas. Si vous souhaitez mettre en relief cette interprétation, allez écouter l'originale et appréciez la qualité du de l'hommage rendu par Nikki en la faisant apparaître sur son album.
Ses créations ne sont pas en reste et « First Lady », qui est pourtant dans la même veine musicale que « Bienvenue dans ma vie », est une vraie bonne ballade de Jazz. En respectant les codes de ce type de morceau, elle offre à sa voix l'opportunité de nous transporter dans les méandres des balais de la batterie et elle le réussit tout en finesse. « Take The « A »Train » et « Cool My Heals » sorte un Jazz très frais et bien plus enlevé, frôlant parfois la Pop sans mal. Et si Nikki décide de faire de la Pop, qu'elle le fasse pleinement comme avec le très accompli « Greys Skies ». Elle s'ouvre un nouvel horizon où sa voix lui permettra de se balader au milieu de ces chanteurs à ordinateurs.


Pour conclure je dirais que cet album mérite qu'on s'y attarde dessus, même si tout n'est pas parfait, même s'il comporte quelques erreurs de jeunesse, même si on ressent la pression du système qui veut la rentabilité immédiate des jeunes artistes. Il y a, dans cet album, la volonté de créer quelque chose de nouveau, loin de tout ce qui s'entend à la radio et surtout il en ressort un amour pour la musique qui se transmettra forcement si vous prenez la peine de l'écouter. Nikki Yanosfky a tout pour devenir une immense chanteuse : sa voix, son charisme et sa présence sur scène sont des atouts impensables pour une fille de son age. Ses choix futurs décideront si elle se range du coté du profit, réduisant à néant son talent, ou de l'art pour notre plus grand bonheur. Avec un album pareil, il semblerait qu'elle prenne la bonne voie.

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