Je ne suis pas, comme
beaucoup, fan des chanteurs adolescents. Souvent poussés par la
famille à la recherche d'une rente facile, ces petits chanteurs se
retrouvent le plus souvent écrasés par le système et plus vite
oubliés que jamais. Mais comme à toute règle il faut une
exception, Nikki Yanofsky sera mon exception. Sur scène avec des
Bands monstrueux depuis l'age de treize ans, elle impressionne par sa
capacité technique et sa présence scénique pour une si petite
fille. Méconnu en Europe, (elle a tout de même remplie l'Olympia en
Octobre 2011 alors qu'elle n'avait que 17 ans!) elle est surtout
reconnue en Amérique du Nord où se concentre la majorité de ses
tournées, à mon grand dam...
J'entends déjà les
sceptiques assurer que c'est la candeur de cette jolie jeune fille
qui lui donne tant d'attraits pour les médias et les spectateurs.
Ces gens-là ne l'ont pas écouté chanter, jamais. C'est pourquoi
avant de traiter son album sobrement intitulé Nikki, je vous propose
d'écouter quelques reprises faites durant un concert de 2008 qui ne
pourront pas vous laisser indifférent. Tout d'abord, si vous écoutez
« Swingin' On The Moon » de Mel Tormé, on se demande
bien ce qui va sortir de cette bouche encore encombrée par des
bagues d'orthodonties. La première fois que sa voix atteins nos
oreilles, plus de doute possible, nous avons affaire à une grande en
devenir. La maîtrise des paroles est tout simplement bluffant pour
une enfant de son âge, la diction est parfaite et le rythme est
dompté. S'il fallait encore un
exemple je conseillerai « It Don't Mean a Thing (If It Ain't Got That Swing) » de Duck Ellington (s'il vous plait!). Encore une fois elle
impressionne avec la simplicité qu'elle a à enchaîner chaque
phrase, mais au-delà de la technique, c'est sa présence sur scène
qui me laisse sans voix. Elle habite cette scène, un charisme
incroyable (et un charme indéniable) qui magnifie la performance.
Deux
ans passent depuis ces concerts et un album voit le jour :
Nikki.
Elle
aime le définir comme une partie d'elle en insistant sur le fait que
les reprises représentent le plus profond d'elle même et de ce
qu'elle aime chanter quand il s'agit de Jazz. En effet, l'album se
compose pratiquement à part égale de reprises et d'original. Ses
classiques sont parfois connus « Over The Rainbow » ou
plus méconnu « God Bless The Child » et sont plus ou
moins réussis. Le problème de cet album réside dans le fait qu'il
est difficile de ne pas trouver du moins bon au milieu de tout le bon
que j'aimerais en dire.
Il
faut dire que c'était prévisible, après tant d'émerveillement sur
des « lives », un support disque allait sembler fade.
Mais il n'y a pas que ça. Il y a de la « popisation »
dans l'air de cet album et ça lui donne par moment des relents de
mauvais mix Pop/Jazz. N'est pas Jamie Cullum qui veut. Les morceaux
« For Another Day » ou « Never Make It On Time »,
ne sont rien d'autre que des ballades Pop comme il en existe des
centaines. L'ennui, c'est d’essayer tant bien que mal de les faire
passer pour des ballades Jazz entraînantes et de nous retrouver avec
des hybrides ne sachant pas sur quel pied danser. Pour aller au bout
de ma pensée, j'aurais vu sans problème Justin Bieber chanter « For
Another Day » et en faire un tube... Il en va de même pour
« Bienvenue Dans Ma Vie » qui manque cruellement de
background d'un point de vue de l'écriture (idem pour la chanson
précédente), on n’écrit pas en Français pour justifier un
accordéon et cela manque trop de vécu. Or le Jazz c'est du vécu,
elle qui nous le jetait à la figure en s'appropriant les textes de
ses reprises se voit un peu limitée quand il s'agit de faire
partager le sien. Pour finir avec le négatif, et c'est sur ce point
que ma déception est plus forte : les reprises loupées. J'ai
vu « I Got Rhythm » dans un talk-show Canadien et ce fut
un réel plaisir alors que sur l'album la chanson est totalement ratée.
Plate et sans entrain, à aucun moment Nikki n'arrive à la hauteur
du monument qu'elle attaque. Le must revient tout de même à « Over
The Rainbow » qui se transforme en démonstration vocale
involontaire et maladroite. Chaque partie est faite différemment et
on s'envole dans des hauteurs que cette chanson ne mérite pas.
Aucune chanson ne mérite ça, être pris à partie pour mettre en
valeur le chanteur, c'est l'inverse qui doit être fait.
Vous
trouverez sans doute ces remarques sévère car au fond l'album n'est
pas mauvais, loin de la. Mais sous couvert du dicton « Qui aime
bien, châtie bien » je me dois de mettre l'oreille là où ça
fait mal.
Car
oui, j'aime cet album. Je l'aime d'autant plus que lorsque Jimmy Page
et Robert Plant ( Led Zeppelin) approuve une reprise de « Fool In The Rain » dans un machup avec « On The Sunny Side Of The Street » et qu'on le chante comme Nikki le chante, alors là
seulement elle mérite de faire partie des grandes. Les arrangements
de ce mélange sont sublimes et l'orchestre sort grandi de la
prestation. Il en va de même pour les deux titres bonus « It's
A Small World After All » (musique d'attraction des poupées à
Disneyland Paris!) et « Plus Je T'Embrasse » de Blossom
Dearie. Ces deux morceaux sont ce que j'aime chez Nikki Yanofsky :
de l’enthousiasme, de l’énergie, une puissance vocale maîtrisée
au service de la chanson et surtout un plaisir pris qui nous est
immédiatement transmis, on la voit sourire en chantant. La reprise
de « Try Try Try » swing et nous fais découvrir le monde
de la chanteuse de San Fransisco Feist. De mon point de vue, pour la
meilleure reprise il faut se tourner vers « God Bless The Child » de Billie Holiday. Je n'arrive même pas décrire la beauté du morceau,
le plaisir que l'on prend à l'écouter ainsi la perfection d'une
interprétation aboutie. Le tout sachant qu'elle vient tout juste
d'avoir 18 ans, juste chapeau bas. Si vous souhaitez mettre en relief
cette interprétation, allez écouter l'originale et appréciez la
qualité du de l'hommage rendu par Nikki en la faisant apparaître
sur son album.
Ses
créations ne sont pas en reste et « First Lady », qui
est pourtant dans la même veine musicale que « Bienvenue dans
ma vie », est une vraie bonne ballade de Jazz. En respectant
les codes de ce type de morceau, elle offre à sa voix l'opportunité
de nous transporter dans les méandres des balais de la batterie et
elle le réussit tout en finesse. « Take The « A »Train »
et « Cool My Heals » sorte un Jazz très frais et bien
plus enlevé, frôlant parfois la Pop sans mal. Et si Nikki décide
de faire de la Pop, qu'elle le fasse pleinement comme avec le très
accompli « Greys Skies ». Elle s'ouvre un nouvel horizon
où sa voix lui permettra de se balader au milieu de ces chanteurs à
ordinateurs.
Pour
conclure je dirais que cet album mérite qu'on s'y attarde dessus,
même si tout n'est pas parfait, même s'il comporte quelques
erreurs de jeunesse, même si on ressent la pression du système qui
veut la rentabilité immédiate des jeunes artistes. Il y a, dans cet
album, la volonté de créer quelque chose de nouveau, loin de tout
ce qui s'entend à la radio et surtout il en ressort un amour pour la
musique qui se transmettra forcement si vous prenez la peine de
l'écouter. Nikki Yanosfky a tout pour devenir une immense
chanteuse : sa voix, son charisme et sa présence sur scène
sont des atouts impensables pour une fille de son age. Ses choix
futurs décideront si elle se range du coté du profit, réduisant à
néant son talent, ou de l'art pour notre plus grand bonheur. Avec un
album pareil, il semblerait qu'elle prenne la bonne voie.
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