vendredi 25 mai 2012

Les Quatre Saisons- Vivaldi


Depuis le début de ce blog j'ai principalement traité du Rock, de la Pop et du Folk. Il y a pourtant un genre que j’apprécie sans pour autant vraiment le connaître : le Classique. Et pourtant j'en écoute de plus en plus souvent tellement l'ensemble des œuvres classiques est important. J'ai eu la chance de participer à une explication d’œuvre il y a peu, et la partager me semble important tant celle-ci est connue et reconnue. Il s'agit des Quatre Saisons de Vivaldi.
Ce qui va suivre n'est en aucun cas exhaustif en termes d'explications, il s'agira des souvenirs de cette explication ainsi que mes ressentis lors de la représentation. Il existe une multitude d'articles bien mieux renseignés, cependant j'offre ici une initiation aux Quatre Saisons, libre à ceux qui se sentiront d’approfondir le propos de le faire.

Il faut savoir que Vivaldi a totalement annoté la partition ainsi chaque mouvement est relatif à un sonnet. Ils décrivent le premier sens de l’œuvre, à savoir les saisons qui se suivent et les Hommes vivant au travers de celles-ci.
L’œuvre ce décompose en quatre parties que sont les saisons, elles mêmes découpées en trois mouvements. A l'aide des sonnets et de la vidéo suivante, je vais mettre le doigt sur les différents aspects de ces mouvements.


Le Printemps

Sur la vidéo, le printemps débute à 00:00 et finit à 10:30. Son sonnet est ainsi :

« Le Printemps.

Voici le Printemps, que les oiseaux saluent d’un chant joyeux. Et les fontaines, au souffle des zéphyrs, jaillissent en un doux murmure.

Ils viennent, couvrant l’air d’un manteau noir, le tonnerre et l’éclairs, messagers de l’orage. Enfin, le calme revenu, les oisillons reprennent leur chant mélodieux.

Et sur le pré fleuri et tendre, au doux murmure du feuillage et des herbes, dort le chevrier, son chien fidèle à ses pieds.

Au son festif de la musette dansent les nymphes et les bergers, sous le brillant firmament du printemps. »

Dans le premier mouvement (Allegro) (de 00:00 à 3:34) se trouve la première et la deuxième strophe. Le thème, repris sur les 30 premières secondes, représente les fontaines, l'abondance et la vitalité qui naît de cette saison. Ensuite ce sont les oiseaux annoncés dans la première phrase qui se font entendre à partir de 00:37 jusqu'à 1:10 que le thème des fontaines soit repris. Le Zéphyrs, dans la mythologie, est un vent doux et chaux. Ainsi, de 1:18 à 1:43 ce vent soufflera avec légèreté. Arrive ensuite les « messagers de l'orage ». A partir de 1:50 le soliste accélère pour mettre en œuvre l'orage imminent. Ce n'est qu'à la fin de cet avertissement orageux (2:20) que le thème des premiers instant est repris. Il y a cependant une sorte de crainte de l'orage qui s'est créer dans cette reprise de thème. Ce n'est réellement qu'à partir de la 3eme minute que le calme est complet et on l'on termine ce premier mouvement comme il avait commencé au son des fontaines.

Le deuxième mouvement est bien plus lent, c'est un Largo. La troisième strophe lui est destiné. Il faut imaginer un pré, où l'on se repose au son d'un chien qui aboie. Tout le long de ce mouvement, on entend en arrière deux notes lancinantes, relativement grave par rapport au soliste, qui reviennent constamment, il s'agit du chien qui aboie on fond de tableau. Car c'est un tableau que nous offre ici Vivaldi. Le thème de fond peut s'associer aux murmures des feuilles et de l'herbe dans laquelle le repos s'impose après tant de vitalité offerte dans le premier mouvement. Cette fresque se termine à 6:00.

Le troisième mouvement reprend un tempo de musette. C'est bien évidemment en relation avec les fêtes qu'offre le printemps, et l'on danse. Et de 8:20 à 8:44 le premier violon donne l'impression de danser, chaque notes commet autant de petits pas et entrechats. Et ainsi la danse se poursuit jusqu'au soleil couchant. Cette sensation de coucher de soleil, de lassitude de fin de journée se trouve entre 8:53 et 9:45 avant que la danse ne l'emporte sur la fatigue pour finir en beauté le printemps à 10:30.


L’Été

Il débute à 10:32 et finit à 20:58. Il a été composé de la sorte :

« L’Été.

Sous la dure saison écrasée de soleil se languit l’homme, se languit le troupeau et s’embrase le pin. Le coucou se fait entendre, et bientôt, d’une seule voix, chantent la Tourterelle et le Chardonneret.

Zéphyr souffle doucement, mais, tout à coup, Borée s’agite et cherche querelle à son voisin. Le pâtre s’afflige, car il craint l’orage furieux, et son destin.

A ses membres las, le repos est refusé par la crainte des éclairs et du fier tonnerre, et par l’essaim furieux des mouches et des taons.

Ah, ses craintes n’étaient que trop vraies, le ciel tonne et fulmine et la grêle coupe les têtes des épis et des tiges. »

Encore une fois les deux premières strophes sont associées au premier mouvement de l'été. Il faut comprendre qu'à l'époque l'été n'est pas la saison que nous apprécions. C'était la saison des récoltes et ou le soleil faisait endurer le supplice à tous ceux qui travaillaient sous celui-ci. Pour selon annoncé comme un Allegro, on sent le poids de la chaleur qui pèse sur les épaules des paysans jusqu'à 11:40. Puis se suivent le coucou (11:40 jusqu'à 12:17), la tourterelle et le chardonneret (12:17 jusqu'à 12:25) tous las de cette chaleur. A 12:40 Borée, qui est un vent du nord, s'agite. Le plus souvent il prédit l'orage d'où l'agitation qui suit sa présence. Le calme revient (14:00) et c'est le désespoir et l'agacement de voir sa récolte perdue dans la grêle qui fait place entre 14:15 et 15:48, c'est ainsi que se termine le premier mouvement.

L'« Adagio » qui compose le second mouvement finit de nous étouffer dans la chaleur de l'été. Les mouches et les taons sont magnifiquement représentés durant toute cette partie. La soliste a la partition des taons avec ce son aiguë qui empêche le sommeil de venir. Alors que les mouches sont reprises par le reste de l'orchestre en fond sur 5 notes qui se suivent comme un bourdonnement incessant. Les passages rapides comme par exemple à 16:35 ou 17:17 peuvent être présentés comme la peur de l'orage qui gronde au loin, ou plus simplement par l'énervement dû aux insectes omniprésent durant ces 2 minutes. Le mouvement se termine à 17:55.

Le troisième mouvement de l'été est sûrement l'un des favoris du grand publique. C'était celui dont j'attendais le plus lors de ma venue à la représentation. Ce Presto était mon favoris avant que l’œuvre entière ne soit jouée. Je vous ferais part de mon chouchou un peu plus tard. La dernière strophe n'est que trop parlante, cette déferlante de notes et ces crescendos ne sont que le reflet d'un violent orage s'abattant sur les champs. A 19:07 la puissance de tout l'orchestre rappelle celle des orages. Entre 19:32 et 19:47 ce sont les éclaires puis ensuite le tonnerre et tout recommence à 20:07 on se retrouve écrasé par autant de force. Et aussi vite était-il arrivé que l'orage se termine avec le troisième mouvement à 20:51.

L’Automne

Débutant à 20:59, l'automne se termine à 32:42. Son sonnet se présente ainsi :

« L’Automne.

Par des chants et par des danses, le paysan célèbre l’heureuse récolte et la liqueur de Bacchus conclut la joie par le sommeil.

Chacun délaisse chants et danses : l’air est léger à plaisir, et la saison invite à la douceur du sommeil.

Les chasseurs partent pour la chasse aux premières lueurs de l’aube, avec les cors, les fusils et les chiens. La bête fuit, et ils la suivent à la trace.

Déjà emplie de frayeur, fatiguée par les fracas des armes et des chiens, elle tente de fuir, exténuée, mais meurt sous les coups. »

Ce premier mouvement nous entraîne dans les danses effrénées des célébrations de la vendange. C'est la première phrase du sonnet qui est de mise, et du début jusqu'à 22:09 la virtuosité de Vivaldi enflamme la place du village où danse la joie au cœur et le chaud au corps de trop de vin tous les villageois. Il faut savoir qu'à cette époque la conservation n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui et le vin devait être bu rapidement, d'où cette démarche hésitante à partir de 22:10 jusqu'à 25:51. L'impression est donnée de suivre un homme délaissant la fête et ayant abusé de «  la liqueur de Bacchus » et hésitant à chaque pas le rapprochant de son lit. Nous avons même les prémices du sommeil durant la 25ème minute. Le mouvement se termine avec un retour sur la place du village et la fin du thème dansant. (26:17)

Contrairement au deuxième mouvement de l'été où l'on peinait à trouver son sommeil, ici l'air est frais et le vin plonge le protagoniste dans un profond sommeil. Tout ce passage est dédié au sommeil et au bien-être retiré de celui-ci après une telle fête. C'est réellement la « douceur du sommeil » qui est mise en relief. Et de 26:19 à 29:04, Vivaldi nous ferait presque regretter notre lit tant la nuit qu'il décrit paraît douce et agréable.

Après une douce nuit il est temps de partir à la chasse et c'est au petit trot que les hommes s'empressent de rejoindre la forêt. La sensation de trot est édifiante avec les petits « rebonds » entre 29:12 et 29:14. Ces petits trots sont repris plusieurs fois pour mettre en place l'image de chasse à cours qui se prépare. Et c'est dans le bruit des cors que représente le thème principal que débute la chasse. Cette préparation dure jusqu'à 29:46 où une biche est repérée. A partir cet instant, le soliste représentera la biche alors que le reste de l'orchestre jouera le rôle de chasseur. Jusqu'à 30:47, il y a alternance thème et partition vouée à la biche. Le thème comme autant de bruit pas et de sabots qui surprennent la biche qui commence déjà à s'éloigner. Les petites notes successives donnent bien ce sentiment de course élégante d'une biche. Puis c'est le tour des chasseurs de se lancer à sa poursuite, ainsi de 30:47 à 31:23, l'alternance ira du thème à la partition des chasseurs. Le thème, toujours pour montrer la marche commune alors que les autres parties sont plus individuelles. Chaque chasseur s'avançant pour attraper la biche est représentée, la course finale est lancée. Et c'est à partir de 31:47 qu'attaque l'alternance biche/chasseur, jouant chacun leurs tours, comme autant de tentative d'échapper à ses poursuivants et autant de coup de feu pour tuer le gibier, le tout jusqu'à 32:00 et la mort de la biche. La fin du mouvement est festif et plein d'orgueil d'avoir attrapé le gibier et le thème telle une marche triomphante fini cette chasse et l'automne.

 L'Hiver

Dernière saison débutant à 32:48 jusqu'à 42:00. Elle est devenue ma saison favorite et son sonnet est ainsi :
« L’Hiver.

Trembler violemment dans la neige étincelante, au souffle rude d’un vent terrible, courir, taper des pieds à tout moment et, dans l’excessive froidure, claquer des dents ;

Passer auprès du feu des jours calmes et contents, alors que la pluie, dehors, verse à torrents ; marcher sur la glace, à pas lents, de peur de tomber, contourner,

Marcher bravement, tomber à terre, se relever sur la glace et courir vite avant que le glace se rompe et se disloque. 
 
Sentir passer, à travers la porte ferrée, Sirocco et Borée, et tous les Vents en guerre. Ainsi est l’hiver, mais, tel qu’il est, il apporte ses joies. »


Voici mon mouvement préféré. L'Allegro non-Molto de l'hiver ! Sublimement repris dans le non moins sublime film « La guerre est déclarée », ce mouvement est lié à la première strophe du sonnet. De 32:39 à 33:25, Vivaldi givre les violons en faisant jouer ses musiciens au plus proche du chevalet donnant cette texture givré au son. Cette partie qui sera réutiliser plus tard fait appelle au tremblement dans la neige du sonnet. Le souffle rude quand à lui viens à 33:26, le son est très pur, voir cristallin, il nous transperce comme nous transperce le vent gelé de l'hiver. Puis de 33:47 à 34:00 s'entame la course contre le froid, et l'apothéose entre 34:00 et 34:43 de pieds qui frappent et de dents qui claquent dans la dureté de l'hiver. Dans la partition originale, le passage de 34:00 à 34:12 est joué en tapant des pieds en rythme avec les violons pour donner du corps à l’interprétation. Ce schémas est repris encore une fois avant de finir à 36:14.


Encore une fois, c'est un mouvement très visuel que nous offre Vivaldi en jouant exactement ce que la deuxième phrase du sonnet décrit. Il indique la pluie tomber sur les carreaux, elle est présente sous forme de pizzicato tout le long du passage. Il s'agit de la représentation du bruit des gouttes sur les vitres. Pendant ce temps le bonheur des jours calmes devant un bon feu est repris par le soliste qui se laisse porter par ce Largo pour nous inclure dans cette scène de repos.


Dernier mouvement de l’œuvre, il m'avait surpris lors de la représentation, tout d'abord parce que je ne le connaissais pas puis par sa beauté. La dextérité demandée par la partition est impressionnante et son interprétation l'est tout autant. Il débute par la marche sur la glace, sans doute pour aller pêcher. Ainsi jusqu'à 39:12 la difficulté à avancer malgré le vent et la glace est mise en avant puis c'est le début de la course contre le craquèlement de la glace jusqu'à 40:00 où la glace rattrape le pêcheur, s'en suit des petits sauts très perceptible entre 40:00 et 40:10 pour éviter de tomber. A 40:10 la berge est atteinte et la glace se disloque et se rompt jusqu'à 40:40. Viens ensuite les vents qui s'invitent, tout d'abord doucement puis de plus en plus vigoureux (41:12) créant sans doute l'une des plus belle phrase musicale de l’œuvre pour la conclure.


Bien entendu, il existe d'autre interprétation des Quatre Saisons, il est assez difficile de ne pas voir l'allusion à la vie de l'homme au delà des saisons. Le printemps comme naissance et la joie d'une nouvelle vie ; l'été avec la jeunesse, l'apprentissage et la fougue ; l'automne avec la force de l'age les joies, les conquêtes ; puis l'hiver, repos mérité entrecoupé par les maladies et inéluctablement la mort. Mais ce qui fait la force de cette œuvre, au delà de ses multiples sens : c'est qu'elle est universelle. N'importe qui à travers le monde la connaît et peut l’apprécier car elle est simple à l'écoute et sublime par la complexité de son interprétation. C'est là que réside le génie de Vivaldi, en réussissant l'accession de la plus complexe des musiques aux plus grandes foules.

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