vendredi 30 novembre 2012

Vengeance - Benjamin Biolay

L’article du jour a de quoi en surprendre plus d’un, à commencer par moi-même. Pourquoi, me direz-vous ? Tout simplement parce que l’artiste du jour ne m’intéressait pas, au plus haut point, il y a de ça à peine deux mois ! J’avais des aprioris négatifs tant sur sa personne que sa musique. Je lui trouvais cet air pédant qu’ont les chanteurs « bobos » et ses chansons (enfin, le peu que j’en avais alors écouté) me semblaient creuses et pleines du malheur des gens qui n’ont besoin de rien.


Avec toute ces idées prémâchées, il n’y avait que peu de chance que Benjamin Biolay, car c’est de lui qu’il s’agit, ne parvienne à mes oreilles et encore moins qu’il termine sur ce blog. Ce n’est que grâce à la persévérance sans limite de mon collaborateur/ami Paul que cela et possible aujourd’hui. Ayant sans aucun doute tout tenté durant des années pour m’en faire écouter une bribe par ci par là, c’est en désespoir de cause qu’il me balança un jour « Essaye au moins Trash Yéyé,  il fut encensé par Alain Bashung… » Si le grand Bashung y trouvait son compte, c’est qu’il devait y avoir quelque chose que je n’avais pas trouvé. 
Bizarrement, c’est La Superbe qui fut le premier album de Biolay à me parvenir et ce fut une révélation ! Musicalement, on était très loin du vide attendu et le sens même de certaines chansons me touchait bien plus que je n’aurais pu l’imaginer auparavant. L’article du jour ne traite pas cet album mais écoutez « Brant Raphsodie », « La Superbe » et « Ton Héritage », sans doute le condensé de ce que Biolay fait de mieux.


Ou tout du moins, avais fait de mieux sur cet album, car celui du jour, Vengeance, n’est pas mauvais du tout non plus ! Sorti il n’y a même pas un mois, c’est avec une attente non dissimulée que je me le suis procuré. J’avais un peu peur d’avoir tout entendu de lui. Lors ce que je « découvre » un artiste, je l’écoute jusqu’à l’overdose ; je craignais d’avoir atteint ma limite et si l’album n’atteignait pas mes attentes, il tomberait aux oubliettes. Comme vous vous en doutez, j’en parle aujourd’hui alors c’est qu’il m’a agréablement surpris. Je n’irais tout de même pas jusqu’à « comblé » car tout n’est pas parfait dans ce nouvel opus mais la majorité des idées misent en place démontrent, s’il le fallait encore, l’étendue du talent de celui que l’on surnomme facilement BB.

La bonne idée de Vengeance est la multitude de duo. La moitié de l’album en est composée, ce qui n’est pas négligeable pour un album dit « solo ». Ces duos sont nés pour la plupart du fait que Benjamin Biolay n’est pas que chanteur, c’est aussi un producteur et un amoureux de la musique en général. C’est ainsi, alors qu’il finissait tout juste d’écrire « Profite », que Vanessa Paradis venant s’enregistrer dans le studio d’à côté, s’est vu proposer de l’accompagner. Le résultat est probant ! La mélodie douce-amère liée aux deux voix est une grande réussite ! Sur ce même principe Oxmo Puccino, aussi produit par BB, a pu griffer de sa patte Hip Hop un titre de Vengeance : « Belle Epoque ». Pour d’autre, ce sont des rencontres lors de projet totalement différents qui ont abouti à certaine chanson en duo. Je pense ici à ma chanson préférée de l’album au titre éponyme à l’album, « Vengeance ». Ce duo avec Carl Barat (déjà évoqué dans From (The Sounds) Inside pour son album avec Pete Doherty au sein des Libertines) est une merveille. Ils se sont rencontrés lors d’une pièce de théâtre de Monteverdi revisitée pop. L’amitié est directe et BB invite Barat sur l’un des titres. La voix grave de C.Barat plonge encore plus l’ambiance déjà sombre dans les abysses de la rancœur. Ses basses phrases prononcées sur les partitions de violons sont du velours à l’oreille. 
C’est ici d’ailleurs toute la force de Biolay, créer des ambiances de folies. Musicalement parlant, il pousse toujours plus le mélange des genres avec une finesse rare. N’hésitant pas à placer des rythmes électro sur les violons qui ont formé son originalité. Prenez « Venganza », l’introduction laisse présager les douces plages d’Argentine dans ces accords chauds, cette impression s’empresse d’être confirmée par la surprenante voix espagnole de Sol Sanchez. Mais revirement de situation, c’est un rythme froid d’électro qui accompagne cette voix si douce sur le couplet, avant d’être rejoint par les violons et Biolay sur les refrains. Je ne sais quelle est la recette pour réussir de tel mélange, mais ces cocktails de styles sont exquis.

Avec tous ces compliments sur les duos, n’allez pas croire que Biolay n’a pas su se faire de bonne chanson pour lui ! Ne serais-ce que la première chanson de l’album est bonne, « Aime Mon Amour » est rythmé à la sauce Biolay, avec des paroles toujours aux sens multiples et un refrain sortant n’importe quand des trompettes réchauffant encore plus l’atmosphère. Toutefois, si je ne peux placer cet album au-dessus des autres, ça sera sans doute par le classicisme de quelques-uns des morceaux solos. « L’Insigne Honneur » n’est pas à mon gout, BB n’aura pas réussi à faire peau neuve de son rythme 80’s et même si les paroles se targuent d’avoir quelque jeux de mots intéressants, il en faut plus pour arriver à concurrencer le reste de l’album. De même pour « Trésor, Trésor » qui pourrait passer pour une ballade « Gainsbourgienne » mais qui finalement se termine en un morceau bien trop lent qui s’asphyxie tout seul. C’est dommage car d’autre chanson sont quant à elle léchée façon Biolay tel « Le Sommeil Attendra » ou « La Fin De La Fin » et même si on aurait pu les entendre sur de précèdent albums, on se réjouit d’instants et d’ambiance dont on connait déjà les moindres recoins.


La fin de l’album est bien plus pesante que le début, les duos d’Orelsan (bien meilleur que je n’aurais jamais pu l’imaginer) et celui avec Carl Barat plonge cette fin dans une sorte de mélancolie grisonnante, c’est pourquoi la dernière chanson est un bijou. « Confettis » avec Julia Stone et son petit accent Australien chantant en Français sur un air des plus léger permet de sortir la tête de l’eau, comme de se réveiller d’un mauvais rêve en ouvrant les yeux sur une belle journée !  Biolay réussit cet album, bien plus accessible que ces précédents et pourtant toujours aussi recherché, Vengeance peut sans doute devenir l’une des meilleures ventes de cette fin d’année. Pour une fois qu’un bon musicien et parolier se voit récompenser par le large publique autant s’en réjouir !

vendredi 23 novembre 2012

It Might Get Loud



Il y a deux semaines je m’étais penché sur trois films abordant chacun à leur manière leur vision des artistes qu’ils mettaient en valeur. L’un des réalisateurs se nommait Davis Guggenheim et j’avais émis l’idée son documentaire It Might Get Loud soit l’un de nos futurs sujets de conversations, cette idée prend forme aujourd’hui ! Je n’ai pas pu m’empêcher de le revoir après l’avoir mentionné dans mon article. Autant vous prévenir, il s’agit sans doute du film que j’ai le plus vu et revu. Je n’arrive pas à regarder plusieurs fois le même film mais celui-ci, qui est par ailleurs un documentaire plus qu’un film, me passionne toujours autant même après la cinquième vision !


Voici un lien pour le voir en entier gratuitement :

Le principe du documentaire est pourtant simple, prendre trois monstres de la guitare appartenant chacun à une époque différente du Rock et les faire se rencontrer avec leurs guitares et leurs matériels autour d’une table et du sujet suivant : « Votre approche de la guitare ? » Ce sujet est durant tout le film découpé en sous partie détaillant pour chacune un peu plus la personnalité de ces trois génies. Il semblerait d’ailleurs de bon ton de les présenter (chose que Guggenheim film à merveille dans les cinq premières minutes du film). Commençons par le plus ancien, Jimmy Page de Led Zeppelin né en 1944, puis The Edge, incontournable membre et architecte de la musique de U2 né en 1961 et Jack White né en 1975, membre fondateur des Raconteurs et des White Stripes ayant désormais une superbe carrière solo devant lui. (cf. BlunderBuss). Ce n’est pas anodin si j’annonce leurs dates de naissances, Guggenhiem met en relief l’évolution que le Rock a connue entre Page et Edge ainsi qu’entre Edge et White. Cette même évolution qui fait que l’on entend Jimmy Page s’extasier devant la distorsion, The Edge en avoir assez des solos de 30mn et Jack White vouloir oublier le surplus d’électronique dans le Rock. 

The Edge
La beauté de ce documentaire réside dans la multitude d’approche qu’il nous est donné d’avoir par rapport à ces trois hommes. En mêlant interview privée dans des lieux importants de leur carrière (The War House pour Edge, Headley Grange pour Page…), lives respectifs, image d’époque et la réunion dans le salon d’enregistrement, Davis Guggenheim expose nos oreilles à ce que la musique a fait de mieux sous toutes les coutures. Tous ces documents se mélangent mais c’est tour à tour qu’ils nous expliquent leur parcours, leurs guitares, leurs envies, le tout enrobé d’anecdotes de la plus anodine (comment John Bonham a obtenu par hasard son son de batterie sur  « When The Leeve Breaks ») à la plus fondatrice (panneau sur lequel l’annonce de Larry Mullen Junior a été postée pour former le groupe que nous connaissons désormais sous le nom de U2). 

Jimmy Page
Et même si The Edge semble tenir un peu plus de temps à l’écran, c’est avec une répartition somme toute égale que ces trois magiciens de la musique se découvrent. On a ainsi la surprise d’approcher l’enfance au milieu d’une fratrie de dix enfants de Jack White ainsi que son approche à reculons par rapport à la guitare et même par rapport à la musique en général. Etant sans doute le moins médiatique des trois, j’ai eu l’impression d’en apprendre plus sur J.White que sur les autres : ses débuts avec Meg White au sein des White Stripes, son gout prononcé pour le blues des années 30 et son amour pour la nouveauté, pour la créativité en lieu et place de l’innovation matérielle. Deux scènes prenantes résument relativement bien le personnage : l’écoute de sa chanson favorite de Son House « Grinnin’ In Your Face » et son dévouement total sur scène quitte à laisser sa guitare pleine de sang à la fin d’un concert. Passion, intégrité et originalité sont les trois maîtres mots pour le décrire, et ce fut pour ma part une surprise car tant dans l’introduction du film que par ouïs dire, j’avais un apriori négatif sur le personnage que je trouvais pédant voir suffisant. C’est donc avec plaisir que mon regard a totalement changé devant autant de qualité musicale et humaine.
S’il est bien une information qui m’a fait frissonner lors de ce visionnage, c’est d’apprendre que nous ne sommes pas passé loin de ne jamais connaitre Led Zeppelin avec Jimmy Page ! Habitué des tournés dans le froid et le ventre vide avec ses anciens groupes, il n’a pas été loin de raccrocher sa guitare pour se consacrer à une autre de ses passions : la peinture. C’est avec un sourire amusé que l’on écoute le très (très) jeune Jimmy Page passer à la TV pour un petit morceau et c’est avec une admiration folle qu’on l’écoute (et regarde !) jouer, de nos jours, « Rumble On » dans son grenier aux multiples instruments.

Jack White
Finalement, l’essence même du film se créer lorsque nous découvrons que nos idoles sont eux même guidés par leurs propres idoles ou morceaux fétiches. Ils en redeviennent humain, descendent du piédestal sur lequel nous les avions mis, pour y faire monter leurs idoles. C’est ainsi que nous voyons Jack White s’extasier devant un vinyle  acapella, Edge se sentir vivant en voyant naitre le punk à Top Of The Pops avec The Jams, le plus heureux de tous semble encore être Jimmy Page et sa collection impressionnante de vinyles nous faisant partager un morceau mille fois trop simple pour ses doigts mais qu’il adore « Rumble » de Link Wray. C’est aussi ce sentiment qui prédomine dans ce qui restera ma scène préférée, elle se déroulelors de la réunion des trois guitaristes. Jimmy page glisse la sangle de sa Les Paul et entame le riff de « Whole Lotta Love », The Edge se rapproche avec attention et un petit sourire au coin des lèvres de celui qui se délecte de pourvoir assister à un tel événement. Jack White, déjà bien placé, ne peut que poser sa guitare et son visage se transforme en celui d’un enfant à qui l’on vient de donner le plus beau des cadeaux. Car s’il y a bien une légende dans toute la salle ce jour-là ; c’est bien Page, n’oublions pas que ses riffs ont bercé les oreilles des deux autres (et les notres !) Et c'est ainsi que, malgré tout leur talent, Jack White et The Edge ont pris une leçon!


It Might Get Loud est un chef d’œuvre du genre qui plaira à ceux qui comme moi aime la musique mais aime aussi ceux qui la font vivre. Comment ne pas aimer des artistes qui, après des années de tournées, des millions cumulés, des albums vendus à la pelle, arrivent à s’extasier comme des enfants devant un simple riff ? C’est sans doute le but ultime que Guggenheim a réussi à atteindre : faire disparaitre l’icône pour faire apparaitre l'amoureux de musique.

vendredi 16 novembre 2012

OK Computer - Radiohead



L’article du jour sera consacré à l’album OK Computer de Radiohead. Tout en étant l’un des meilleurs albums que le groupe d’Abigdon est produit c’est surtout le début des expérimentations pour ce groupe qui jamais n’aura vendu son âme au profit et à la masse commerciale. Contrairement à d’autre, Coldplay et Muse pour ne pas les citer, ils n’ont pas succombé aux sirènes des médias et ont toujours continué leur recherche au travers de nouveaux sons, de nouvelles percussions, de rythmes impossible (écoutez « Lotus Flower » sur leur dernier album King Of Limb, ou « The National Anthem » sur Kid A vous en serez surpris…) Il faut avouer qu’ils en sont devenus de plus en plus difficilement abordable pour la majorité et même au sein des mélomanes ils ne font plus l’unanimité que par leur audace et leur persévérance au sein de leur expérimentation. Au point de devenir des inconnus sur la scène mondiale depuis quelques années Cependant, il fut un temps où, novateur et accessible, Radiohead dominait le monde de la musique de la tête et des épaules.


Ce temps débuta avec OK Computer. Les puristes diront toujours que The Bends et Pablo Honey sont de bien meilleur qualité de par leur antériorité et leur succès commercial moindre. Certes, ces deux albums sont bon et les morceaux « High And Dry », « Creep » ou encore « Fake Plastic Tree » en sont d’excellents exemples. Mais la puissance et la force que dégage OK Computer n’a pas d’égale. Car même si le groupe se refuse à le nommé « album-concept » il est totalement axer sur le thème de la déshumanisation. Ce terme cache en réalité plusieurs problématiques, ce n’est pas tant les machines que Radiohead pointe du doigt mais plutôt les machines que nous devenons. Production de masse, surconsommation, solitude moderne et le malaise qui en découle. (Je rappelle que l’album fut écrit et enregistré en grande partie durant l’année 1996 et qu’il est sorti en 1997, quand je vous dis qu’ils étaient novateurs pour l’époque ! Les grandes problématiques sont toujours les mêmes, si ce n’est que nous y avons ajouté l’écologie.) Et je ne sais si l’effet est voulu mais je ne trouve absolument aucune humanité dans tout l’album. Il est froid, génialissimement froid, mais froid. Ceci provient sans doute du début de l’utilisation de l’ordinateur dans leurs sons en « background » ou peut-être tout simplement cette voix si particulière de Thom Yorke qui me donne des frissons. Il suffit d’écouter la première chanson « Airbag » pour s’en rendre compte, que ce soit la voix ou la musique, il faudra se tenir à l’un pour éviter la chute que représente l’autre.


Cette froideur est un vrai paradoxe car l’album fut en grande parti enregistré en « live ». (pas concert mais tous les instruments en même temps, d’après les dire d’Ed O’Brien ceci empêche le côté faux des enregistrements collés les uns aux autres, c’est une visions que je partage totalement. Stadium Arcadium des Red Hot Chili Peppers fut enregistré de la même façon et le résultat est éblouissant. C’est une vrai performance quand il s’agit d’enregistrer des solos de la qualité présent tant sur Stadium Arcadium que sur OK Computer car la moindre fausse note et c’est le morceau complet à reprendre.) Il ne faudrait pas que ce que j’appelle « froideur » rebute la moindre personne ayant envie d’attaquer l’écoute d’une œuvre de Radiohead. Car si l’ensemble est peint de cette manière c’est pour faire ressortir le cri de détresse des hommes n’en pouvant plus de cette société décriée par Radiohead. « Exit Music (For A Film) » fait partie de ces appels à l’aide au même titre que « The Tourist ». Leurs constructions sont différentes mais on retrouve toujours cette lancinante atmosphère dont rien ne peut s’extraire et au milieu la voix seule se démène pour se faire entendre.


Parfois, au contraire, c’est la musique qui sert d’émancipateur. Véritable tourbillon, elle nous accroche au ventre sans jamais nous lâcher jusqu’à la fin du morceau. Que ce soit « Electioneering » ou la fin de « Climbing Up The Wall » on ne peut rester indifférent. La première, rythmée du début à la fin nous entraine dans une danse démantibulé contre l’attentisme politique alors que la deuxième me fait plus penser à une phase de dépression avancé. Les cris sur l’envolée « guitaristique », comme autant d’hurlements dans la tempête vous transpercent les tympans, vous touchent au plus profond de vous et rappel en nous la partie de folie qui tend à prendre sa place à la moindre défaillance. La musique, c’est la zone de confort de Radiohead, tout du moins c’est ici qu’ils expriment l’immensité de leur talent et c’est avec un tel préambule que je vous incite à écouter « Paranoïd Androïd ». De la première note à la dernière, ce morceau touche la perfection. J’avais prévu de développer son déroulement où on but mais que dire devant autant de clarté ? Il suffit de l’écouter.
Histoire de parachever cet album déjà bien rempli et de souligner leur propos une nouvelle fois, Thom Yorke et compagnie ont eu l’idée, farfelue mais si brillante, de faire « chanter » la chanson « Fitter Happier » par le logiciel «  Macin Talk Pro » sur un PowerMacintosh d’Apple. Il leur a suffi d’entrer les paroles et le logiciel les a répété. Du génie.

J’ai annoncé une absence totale d’humanité dans ce troisième opus de Radiohead, je ferai une exception pour apprécier la douceur de « Let Down ». J’aime d’ailleurs l’écouter en dernier dans l’album, comme une lueur d’espoir après le tout ce désarrois.
Que ma pensée ne soit pas traduite de travers, lorsque je dis que cet album est froid, je ne veux absolument pas dire qu’il est sans âme. Loin de là mon idée. Bien au contraire, c’est sans doute toute la beauté de OK Computer, fournir si peu d’humain et en sortir autant d’âme. Tant et si bien qu’il est devenu l’un de mes albums favoris, à écouter à n’importe quel moment, quel que soit l’humeur ou l’envie. Ce n’est pas pour rien qu’il a été classé meilleur album de tous les temps par le magazine Q. Je n'ai d'ailleurs pas cité ni "No Surprise" ni "Karma Police" qui sont deux monuments mais déjà assez connu pour être reconnu comme tel.


L’univers de Radiohead n’est pas toujours simple, mais n’hésitez jamais à vous y plonger, vous serez surpris de la vitesse à laquelle vous deviendrez accro !


vendredi 9 novembre 2012

Trois films – Trois légendes – Trois réalisateurs



Dans le premier article de cette rubrique, j’avais fait remarquer que la musique prenait le second rôle sur grand écran, laissant la place à l’image. Mais ce n’est pas toujours le cas ! Nombreux sont les biopics, les documentaires ou encore concerts filmés. En préparant cet article je voulais me pencher sur trois documentaires et les décortiquer un à un. C’était sans compter sur ces films qui m’ont surpris et qui se sont avérer ne pas être du tous des documentaires au sens où je l’entendais !
J’ai donc regardé pour vous: « Shine A Light » - « I’m Not There » - « From The Sky Down » Le premier m’intriguait depuis longtemps, je savais que Martin Scorsese avait tourné avec les Rolling Stones, et il m’avait semblé avoir ici un documentaire sur le groupe Anglais. D’ailleurs même sur Allociné, il est référencé « documentaire ». Cependant, il s’agit en réalité d’un concert de charité filmé par Scorsese avec les moyens de Scorsese, le résultat est fort intéressant. Pour le deuxième, je savais que je n’avais pas  à faire à un film « normal » avant visionnage. Mais cette fresque de la personnalité de Bob Dylan est tout bonnement renversante, tant par la profondeur du personnage que par la qualité de la réalisation. Seul le troisième est un documentaire au sens propre du terme. « From The Sky Down » a été tourné à l’occasion du 20ème anniversaire de la sortie de l’album mythique de U2 : Achtung Baby.



C’est donc avec trois réalisateurs, trois légendes de la musique et trois films totalement différents qu’il faudra composer aujourd’hui. Voyons si après tout, il existe un style faisant vivre la musique à l’écran plus qu’un autre.

Martin Scorsese entouré des Stones
Comme vous vous en doutez, chaque réalisation est différente et elles s’accompagnent de leurs qualités et leurs défauts. Si je prends « Shine A Light », celui qui, avouons-le, m’a presque déçu car les parties explicatives sur les Stones que j’étais venu chercher sont bien trop courte à mon gout. Martin Scorsese, adorateur des Stones, a voulu les filmer lors d’un concert au Beacon Theatre de New York et la prise de vu du concert est sublime. Le coup d’œil et la mise en place d’un dispositif complet (voir même lourd à supporter pour les spectateurs qu’on imagine bien se pencher dans tous les sens pour éviter d’avoir la caméra devant les yeux.) sublime une performance réussie pour les papy du Rock ! D’ailleurs les interventions de Jack White et de Christina Aguilera sont de vrais bonus.

 Mais comme je le disais, je cherchais plutôt dans ce film une partie documentée, avec de vraies informations sur le comment du pourquoi « Rolling Stonnien » ! Que nenni ! Martin n’en a que pour les beaux yeux de Mick, et toute l’énergie qu’il peut transmettre sur scène est parfaitement retransmise par son fameux admirateur. On peut cependant se réjouir de la première partie du film faisant place (en noir et blanc s’il vous plait) à l’avant concert. Seule miette documentaire, on s’amuse de « l’énervement » du réalisateur devant autant de décontraction de la part des Stones. Mais Scorsese n’en était pas à son coup d’essai avec les stars, il avait tourné trois ans plus tôt un biopic sur Dylan avec Dylan. Or tout le monde sait que de nos jours, l’ami Bob n’est pas toujours simple à diriger…

Pour éviter tout problème avec le leader de la Folk, Todd Haynes réalise « I’m Not There » non pas avec un Bob Dylan, mais avec six Bob Dylan ! Aucun d’eux n’étant le vrai, chaque acteur représente une facette de l’homme ayant chamboulé le monde de la musique et de la poésie moderne. Lorsque j’évoque six acteurs, je n’évoque pas des inconnus : Christian Bale, Richard Gere,Heath Ledger, Ben Wishaw, (un jeune garçon noir !) Marcus Carl Franklin et même une femme (avec une prestation à couper le souffle) Cate Blanchett et aucun d’eux n’aura jamais le nom de Bob Dylan, mais une multitude de référence à ses chansons et ses surnoms. En marge de ce superbe casting nous trouvons encore Charlotte Gainsbourg jouant une de ses femmes. Ils prennent tour à tour le poète, le prophète, le hors-la-loi, l‘imposteur, le comédien, le martyr et le "Born Again" ; autant dire que les performances d’acteurs se suivent et ne se ressemblent pas. C’est du point de vue du storytelling de Haynes fait mouche. Il mélange allégrement toutes les parties de la vie de Dylan, si bien qu’on ne sait plus qui du poète ou du comédien donne naissance au prophète et inversement. C’est à la fois déstabilisant, peu de films jouent aussi bien avec la ligne temporelle sans se perdre dans des explications douteuses, et à la fois grisant. On se sait perdu mais qu’importe, avec en permanence Dylan en fond sonore, on se délecte de chaque instants que nous offre cette ribambelle d’acteurs plus géniaux les uns que les autres.

 D’un point de vue personnel, et ne connaissant pas parfaitement la vie de Bob Dylan, je suis ressorti d’ « I’m Not There » avec la sensation d’avoir appris quelque chose sur Bob Dylan mais pas sur sa vie. Comme si, le pari de Todd Haynes avait été de nous plonger DANS Dylan au lieu de nous installer sur la route AVEC Dylan. Si c’est le cas, c’est une réussite. Ce n’est pas pour rien que ce film fut doublement primé à la Mostra de Venise en tant que « Grand Prix Spécial du Jury » et « Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine » pour Cate Blanchett. Nous sommes très loin d’un documentaire mais peu importe l’histoire et trop bonne pour être dépréciée.

Ce qui nous emmène à « From The Sky Down ». Avant de commencer, je dois vous avouer que je suis un immense fan de U2. Mes attentes étaient donc énormes lorsque j’ai lancé le film pour la première fois. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas parce que je suis un fervent admirateur que j’aime tout ce qui porte le logo U2. J’avais, par ailleurs, été assez déçu par le documentaire « Rattle And Hum » qui montrait un groupe aux antipodes du plaisir, chose ahurissante quand on sait le bonheur qu’ils transmettent sur scène. Depuis, les quatre Irlandais n’hésitent pas à se moquer allégrement d’eux même et de leurs prestations. « From The Sky Down » est né de la préparation du premier concert de U2 au festival de Glastonbury, qui coïncidait avec le 20ème anniversaire d’Achtung Baby. Le groupe est donc allé sur demande de Davis Guggenheim (réalisateur du film) répéter dans les locaux ayant vu naitre le chef d’œuvre. Je ne raconterai pas l’histoire passionnante qui se cache derrière cet album, d’ailleurs il n’y a pas qu’une histoire, c’est une multitude d’anecdotes qui ont fait apparaitre Achtung Baby. Je dévoilerai juste qu’à l’instant d’entrer en studio à Berlin, soit en sortait un album de la qualité de celui sorti, soit le groupe mourrait en essayant de le créer. Davis Guggenheim, qui avait déjà tourné avec The Edge pour « It Might Get Loud » (sans doute un futur article !), a eu la bonne idée d’entremêler images du passé avec interview d’aujourd’hui. Si bien que nous voilà raconter le long et sinueux processus créatif par le plus grand groupe du monde. C’est un vrai régal. 

Bono - Davis Guggenheim - The Edge
On touche du doigt la rigueur d’une répétition, et le sérieux (voir même le perfectionnisme) du groupe lors de reprise de leurs propres chansons. Comme je l’évoquais plus haut, les anecdotes pleuvent et les inédits aussi, ainsi j’ai été scotché par le « Love Is Blindness » de The Edge ainsi que par l’histoire se cachant au dedans. Le vrai plus de Davis Guggenheim est d’avoir su mettre le groupe à l’aise, il a ainsi pu filmer la joie de vivre même après plus de 35 ans de vie commune de Bono, The Edge, Adam Clayton et de Larry Mullen Jr. Le film se conclut sur l’entrée en scène à Glastonbury, la chair de poule est de rigueur tant l’émotion est grande, car  après tout ce que l’on a appris sur Achtung Baby, il nous appartient un peu plus qu’auparavant et nous serions prêt à le défendre sur scène avec eux !


Que ce soit Davis Guggenheim, Martin Scorsese ou Todd Haynes, ils ont chacun à leur manière rendue hommage à une légende de la musique moderne. Et même si j’aurais aimé plus de documentaire pour les Stones, même si certains regrettent le manque de linéarité dans « I’m Not There » ou la surexposition de Bono ; je suis obligé d’admettre qu’à chaque fois j’ai pris un immense plaisir à regarder ces films. Bien entendu je vous les conseille, n’ayez pas peur d’être lassé, la musique est le meilleur des suspens, on ne sait jamais quelle note va naitre après la dernière jouée !