vendredi 9 novembre 2012

Trois films – Trois légendes – Trois réalisateurs



Dans le premier article de cette rubrique, j’avais fait remarquer que la musique prenait le second rôle sur grand écran, laissant la place à l’image. Mais ce n’est pas toujours le cas ! Nombreux sont les biopics, les documentaires ou encore concerts filmés. En préparant cet article je voulais me pencher sur trois documentaires et les décortiquer un à un. C’était sans compter sur ces films qui m’ont surpris et qui se sont avérer ne pas être du tous des documentaires au sens où je l’entendais !
J’ai donc regardé pour vous: « Shine A Light » - « I’m Not There » - « From The Sky Down » Le premier m’intriguait depuis longtemps, je savais que Martin Scorsese avait tourné avec les Rolling Stones, et il m’avait semblé avoir ici un documentaire sur le groupe Anglais. D’ailleurs même sur Allociné, il est référencé « documentaire ». Cependant, il s’agit en réalité d’un concert de charité filmé par Scorsese avec les moyens de Scorsese, le résultat est fort intéressant. Pour le deuxième, je savais que je n’avais pas  à faire à un film « normal » avant visionnage. Mais cette fresque de la personnalité de Bob Dylan est tout bonnement renversante, tant par la profondeur du personnage que par la qualité de la réalisation. Seul le troisième est un documentaire au sens propre du terme. « From The Sky Down » a été tourné à l’occasion du 20ème anniversaire de la sortie de l’album mythique de U2 : Achtung Baby.



C’est donc avec trois réalisateurs, trois légendes de la musique et trois films totalement différents qu’il faudra composer aujourd’hui. Voyons si après tout, il existe un style faisant vivre la musique à l’écran plus qu’un autre.

Martin Scorsese entouré des Stones
Comme vous vous en doutez, chaque réalisation est différente et elles s’accompagnent de leurs qualités et leurs défauts. Si je prends « Shine A Light », celui qui, avouons-le, m’a presque déçu car les parties explicatives sur les Stones que j’étais venu chercher sont bien trop courte à mon gout. Martin Scorsese, adorateur des Stones, a voulu les filmer lors d’un concert au Beacon Theatre de New York et la prise de vu du concert est sublime. Le coup d’œil et la mise en place d’un dispositif complet (voir même lourd à supporter pour les spectateurs qu’on imagine bien se pencher dans tous les sens pour éviter d’avoir la caméra devant les yeux.) sublime une performance réussie pour les papy du Rock ! D’ailleurs les interventions de Jack White et de Christina Aguilera sont de vrais bonus.

 Mais comme je le disais, je cherchais plutôt dans ce film une partie documentée, avec de vraies informations sur le comment du pourquoi « Rolling Stonnien » ! Que nenni ! Martin n’en a que pour les beaux yeux de Mick, et toute l’énergie qu’il peut transmettre sur scène est parfaitement retransmise par son fameux admirateur. On peut cependant se réjouir de la première partie du film faisant place (en noir et blanc s’il vous plait) à l’avant concert. Seule miette documentaire, on s’amuse de « l’énervement » du réalisateur devant autant de décontraction de la part des Stones. Mais Scorsese n’en était pas à son coup d’essai avec les stars, il avait tourné trois ans plus tôt un biopic sur Dylan avec Dylan. Or tout le monde sait que de nos jours, l’ami Bob n’est pas toujours simple à diriger…

Pour éviter tout problème avec le leader de la Folk, Todd Haynes réalise « I’m Not There » non pas avec un Bob Dylan, mais avec six Bob Dylan ! Aucun d’eux n’étant le vrai, chaque acteur représente une facette de l’homme ayant chamboulé le monde de la musique et de la poésie moderne. Lorsque j’évoque six acteurs, je n’évoque pas des inconnus : Christian Bale, Richard Gere,Heath Ledger, Ben Wishaw, (un jeune garçon noir !) Marcus Carl Franklin et même une femme (avec une prestation à couper le souffle) Cate Blanchett et aucun d’eux n’aura jamais le nom de Bob Dylan, mais une multitude de référence à ses chansons et ses surnoms. En marge de ce superbe casting nous trouvons encore Charlotte Gainsbourg jouant une de ses femmes. Ils prennent tour à tour le poète, le prophète, le hors-la-loi, l‘imposteur, le comédien, le martyr et le "Born Again" ; autant dire que les performances d’acteurs se suivent et ne se ressemblent pas. C’est du point de vue du storytelling de Haynes fait mouche. Il mélange allégrement toutes les parties de la vie de Dylan, si bien qu’on ne sait plus qui du poète ou du comédien donne naissance au prophète et inversement. C’est à la fois déstabilisant, peu de films jouent aussi bien avec la ligne temporelle sans se perdre dans des explications douteuses, et à la fois grisant. On se sait perdu mais qu’importe, avec en permanence Dylan en fond sonore, on se délecte de chaque instants que nous offre cette ribambelle d’acteurs plus géniaux les uns que les autres.

 D’un point de vue personnel, et ne connaissant pas parfaitement la vie de Bob Dylan, je suis ressorti d’ « I’m Not There » avec la sensation d’avoir appris quelque chose sur Bob Dylan mais pas sur sa vie. Comme si, le pari de Todd Haynes avait été de nous plonger DANS Dylan au lieu de nous installer sur la route AVEC Dylan. Si c’est le cas, c’est une réussite. Ce n’est pas pour rien que ce film fut doublement primé à la Mostra de Venise en tant que « Grand Prix Spécial du Jury » et « Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine » pour Cate Blanchett. Nous sommes très loin d’un documentaire mais peu importe l’histoire et trop bonne pour être dépréciée.

Ce qui nous emmène à « From The Sky Down ». Avant de commencer, je dois vous avouer que je suis un immense fan de U2. Mes attentes étaient donc énormes lorsque j’ai lancé le film pour la première fois. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas parce que je suis un fervent admirateur que j’aime tout ce qui porte le logo U2. J’avais, par ailleurs, été assez déçu par le documentaire « Rattle And Hum » qui montrait un groupe aux antipodes du plaisir, chose ahurissante quand on sait le bonheur qu’ils transmettent sur scène. Depuis, les quatre Irlandais n’hésitent pas à se moquer allégrement d’eux même et de leurs prestations. « From The Sky Down » est né de la préparation du premier concert de U2 au festival de Glastonbury, qui coïncidait avec le 20ème anniversaire d’Achtung Baby. Le groupe est donc allé sur demande de Davis Guggenheim (réalisateur du film) répéter dans les locaux ayant vu naitre le chef d’œuvre. Je ne raconterai pas l’histoire passionnante qui se cache derrière cet album, d’ailleurs il n’y a pas qu’une histoire, c’est une multitude d’anecdotes qui ont fait apparaitre Achtung Baby. Je dévoilerai juste qu’à l’instant d’entrer en studio à Berlin, soit en sortait un album de la qualité de celui sorti, soit le groupe mourrait en essayant de le créer. Davis Guggenheim, qui avait déjà tourné avec The Edge pour « It Might Get Loud » (sans doute un futur article !), a eu la bonne idée d’entremêler images du passé avec interview d’aujourd’hui. Si bien que nous voilà raconter le long et sinueux processus créatif par le plus grand groupe du monde. C’est un vrai régal. 

Bono - Davis Guggenheim - The Edge
On touche du doigt la rigueur d’une répétition, et le sérieux (voir même le perfectionnisme) du groupe lors de reprise de leurs propres chansons. Comme je l’évoquais plus haut, les anecdotes pleuvent et les inédits aussi, ainsi j’ai été scotché par le « Love Is Blindness » de The Edge ainsi que par l’histoire se cachant au dedans. Le vrai plus de Davis Guggenheim est d’avoir su mettre le groupe à l’aise, il a ainsi pu filmer la joie de vivre même après plus de 35 ans de vie commune de Bono, The Edge, Adam Clayton et de Larry Mullen Jr. Le film se conclut sur l’entrée en scène à Glastonbury, la chair de poule est de rigueur tant l’émotion est grande, car  après tout ce que l’on a appris sur Achtung Baby, il nous appartient un peu plus qu’auparavant et nous serions prêt à le défendre sur scène avec eux !


Que ce soit Davis Guggenheim, Martin Scorsese ou Todd Haynes, ils ont chacun à leur manière rendue hommage à une légende de la musique moderne. Et même si j’aurais aimé plus de documentaire pour les Stones, même si certains regrettent le manque de linéarité dans « I’m Not There » ou la surexposition de Bono ; je suis obligé d’admettre qu’à chaque fois j’ai pris un immense plaisir à regarder ces films. Bien entendu je vous les conseille, n’ayez pas peur d’être lassé, la musique est le meilleur des suspens, on ne sait jamais quelle note va naitre après la dernière jouée !

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