Depuis le début de ce
blog j'ai principalement traité du Rock, de la Pop et du Folk. Il y
a pourtant un genre que j’apprécie sans pour autant vraiment le
connaître : le Classique. Et pourtant j'en écoute de plus en
plus souvent tellement l'ensemble des œuvres classiques est
important. J'ai eu la chance de participer à une explication d’œuvre
il y a peu, et la partager me semble important tant celle-ci est
connue et reconnue. Il s'agit des Quatre Saisons de Vivaldi.
Ce qui va suivre n'est en
aucun cas exhaustif en termes d'explications, il s'agira des
souvenirs de cette explication ainsi que mes ressentis lors de la
représentation. Il existe une multitude d'articles bien mieux
renseignés, cependant j'offre ici une initiation aux Quatre Saisons,
libre à ceux qui se sentiront d’approfondir le propos de le faire.
Il faut savoir que
Vivaldi a totalement annoté la partition ainsi chaque mouvement est
relatif à un sonnet. Ils décrivent le premier sens de l’œuvre, à
savoir les saisons qui se suivent et les Hommes vivant au travers de
celles-ci.
L’œuvre ce décompose
en quatre parties que sont les saisons, elles mêmes découpées en
trois mouvements. A l'aide des sonnets et de la vidéo suivante, je
vais mettre le doigt sur les différents aspects de ces mouvements.
Le Printemps
Sur la vidéo, le printemps débute à 00:00 et finit à 10:30. Son
sonnet est ainsi :
« Le
Printemps.
Voici
le Printemps, que les oiseaux saluent d’un chant joyeux. Et les
fontaines, au souffle des zéphyrs, jaillissent en un doux murmure.
Ils viennent,
couvrant l’air d’un manteau noir, le tonnerre et l’éclairs,
messagers de l’orage. Enfin, le calme revenu, les oisillons
reprennent leur chant mélodieux.
Et sur le pré
fleuri et tendre, au doux murmure du feuillage et des herbes, dort le
chevrier, son chien fidèle à ses pieds.
Au son festif de la
musette dansent les nymphes et les bergers, sous le brillant
firmament du printemps. »
Dans le premier mouvement (Allegro) (de 00:00 à 3:34) se
trouve la première et la deuxième strophe. Le thème, repris sur
les 30 premières secondes, représente les fontaines, l'abondance et
la vitalité qui naît de cette saison. Ensuite ce sont les oiseaux
annoncés dans la première phrase qui se font entendre à partir de
00:37 jusqu'à 1:10 que le thème des fontaines soit repris. Le
Zéphyrs, dans la mythologie, est un vent doux et chaux. Ainsi, de
1:18 à 1:43 ce vent soufflera avec légèreté. Arrive ensuite les
« messagers de l'orage ». A partir de 1:50 le
soliste accélère pour mettre en œuvre l'orage imminent. Ce n'est
qu'à la fin de cet avertissement orageux (2:20) que le thème des
premiers instant est repris. Il y a cependant une sorte de crainte de
l'orage qui s'est créer dans cette reprise de thème. Ce n'est
réellement qu'à partir de la 3eme minute que le calme est complet
et on l'on termine ce premier mouvement comme il avait commencé au
son des fontaines.
Le deuxième mouvement est bien plus lent, c'est un Largo. La
troisième strophe lui est destiné. Il faut imaginer un pré, où
l'on se repose au son d'un chien qui aboie. Tout le long de ce
mouvement, on entend en arrière deux notes lancinantes, relativement
grave par rapport au soliste, qui reviennent constamment, il s'agit
du chien qui aboie on fond de tableau. Car c'est un tableau que nous
offre ici Vivaldi. Le thème de fond peut s'associer aux murmures des
feuilles et de l'herbe dans laquelle le repos s'impose après tant de
vitalité offerte dans le premier mouvement. Cette fresque se termine
à 6:00.
Le troisième mouvement reprend un tempo de musette. C'est bien
évidemment en relation avec les fêtes qu'offre le printemps, et
l'on danse. Et de 8:20 à 8:44 le premier violon donne l'impression
de danser, chaque notes commet autant de petits pas et entrechats. Et
ainsi la danse se poursuit jusqu'au soleil couchant. Cette sensation
de coucher de soleil, de lassitude de fin de journée se trouve entre
8:53 et 9:45 avant que la danse ne l'emporte sur la fatigue pour
finir en beauté le printemps à 10:30.
L’Été
Il débute à 10:32 et finit à 20:58. Il a été composé de la
sorte :
« L’Été.
Sous la dure saison
écrasée de soleil se languit l’homme, se languit le troupeau et
s’embrase le pin. Le coucou se fait entendre, et bientôt, d’une
seule voix, chantent la Tourterelle et le Chardonneret.
Zéphyr souffle
doucement, mais, tout à coup, Borée s’agite et cherche querelle à
son voisin. Le pâtre s’afflige, car il craint l’orage furieux,
et son destin.
A ses membres las, le
repos est refusé par la crainte des éclairs et du fier tonnerre, et
par l’essaim furieux des mouches et des taons.
Ah, ses craintes
n’étaient que trop vraies, le ciel tonne et fulmine et la grêle
coupe les têtes des épis et des tiges. »
Encore une fois les deux premières strophes sont associées au
premier mouvement de l'été. Il faut comprendre qu'à l'époque
l'été n'est pas la saison que nous apprécions. C'était la saison
des récoltes et ou le soleil faisait endurer le supplice à tous
ceux qui travaillaient sous celui-ci. Pour selon annoncé comme un
Allegro, on sent le poids de la chaleur qui pèse sur les
épaules des paysans jusqu'à 11:40. Puis se suivent le coucou (11:40
jusqu'à 12:17), la tourterelle et le chardonneret (12:17 jusqu'à
12:25) tous las de cette chaleur. A 12:40 Borée, qui est un vent du
nord, s'agite. Le plus souvent il prédit l'orage d'où l'agitation
qui suit sa présence. Le calme revient (14:00) et c'est le désespoir
et l'agacement de voir sa récolte perdue dans la grêle qui fait
place entre 14:15 et 15:48, c'est ainsi que se termine le premier
mouvement.
L'« Adagio » qui compose le second mouvement finit
de nous étouffer dans la chaleur de l'été. Les mouches et les
taons sont magnifiquement représentés durant toute cette partie. La
soliste a la partition des taons avec ce son aiguë qui empêche le
sommeil de venir. Alors que les mouches sont reprises par le reste de
l'orchestre en fond sur 5 notes qui se suivent comme un
bourdonnement incessant. Les passages rapides comme par exemple à
16:35 ou 17:17 peuvent être présentés comme la peur de l'orage qui
gronde au loin, ou plus simplement par l'énervement dû aux insectes
omniprésent durant ces 2 minutes. Le mouvement se termine à 17:55.
Le troisième mouvement de l'été est sûrement l'un des favoris du
grand publique. C'était celui dont j'attendais le plus lors de ma
venue à la représentation. Ce Presto était mon favoris
avant que l’œuvre entière ne soit jouée. Je vous ferais part de
mon chouchou un peu plus tard. La dernière strophe n'est que trop
parlante, cette déferlante de notes et ces crescendos ne sont que le
reflet d'un violent orage s'abattant sur les champs. A 19:07 la
puissance de tout l'orchestre rappelle celle des orages. Entre 19:32
et 19:47 ce sont les éclaires puis ensuite le tonnerre et tout
recommence à 20:07 on se retrouve écrasé par autant de force. Et
aussi vite était-il arrivé que l'orage se termine avec le troisième
mouvement à 20:51.
L’Automne
Débutant à 20:59, l'automne se termine à 32:42. Son sonnet se
présente ainsi :
« L’Automne.
Par des chants et par
des danses, le paysan célèbre l’heureuse récolte et la liqueur
de Bacchus conclut la joie par le sommeil.
Chacun délaisse
chants et danses : l’air est léger à plaisir, et la saison invite
à la douceur du sommeil.
Les chasseurs partent
pour la chasse aux premières lueurs de l’aube, avec les cors, les
fusils et les chiens. La bête fuit, et ils la suivent à la trace.
Déjà emplie de
frayeur, fatiguée par les fracas des armes et des chiens, elle tente
de fuir, exténuée, mais meurt sous les coups. »
Ce premier mouvement nous entraîne dans les danses effrénées des
célébrations de la vendange. C'est la première phrase du sonnet
qui est de mise, et du début jusqu'à 22:09 la virtuosité de
Vivaldi enflamme la place du village où danse la joie au cœur et le
chaud au corps de trop de vin tous les villageois. Il faut savoir
qu'à cette époque la conservation n'était pas ce qu'elle est
aujourd'hui et le vin devait être bu rapidement, d'où cette
démarche hésitante à partir de 22:10 jusqu'à 25:51. L'impression
est donnée de suivre un homme délaissant la fête et ayant abusé
de « la liqueur de Bacchus » et
hésitant à chaque pas le rapprochant de son lit. Nous avons même
les prémices du sommeil durant la 25ème minute. Le mouvement se
termine avec un retour sur la place du village et la fin du thème
dansant. (26:17)
Contrairement au deuxième
mouvement de l'été où l'on peinait à trouver son sommeil, ici
l'air est frais et le vin plonge le protagoniste dans un profond
sommeil. Tout ce passage est dédié au sommeil et au bien-être
retiré de celui-ci après une telle fête. C'est réellement la
« douceur du sommeil »
qui est mise en relief. Et de 26:19 à 29:04, Vivaldi nous ferait
presque regretter notre lit tant la nuit qu'il décrit paraît douce
et agréable.
Après une douce nuit il est
temps de partir à la chasse et c'est au petit trot que les hommes
s'empressent de rejoindre la forêt. La sensation de trot est
édifiante avec les petits « rebonds » entre 29:12 et
29:14. Ces petits trots sont repris plusieurs fois pour mettre en
place l'image de chasse à cours qui se prépare. Et c'est dans le
bruit des cors que représente le thème principal que débute la
chasse. Cette préparation dure jusqu'à 29:46 où une biche est
repérée. A partir cet instant, le soliste représentera la biche
alors que le reste de l'orchestre jouera le rôle de chasseur.
Jusqu'à 30:47, il y a alternance thème et partition vouée à la
biche. Le thème comme autant de bruit pas et de sabots qui
surprennent la biche qui commence déjà à s'éloigner. Les petites
notes successives donnent bien ce sentiment de course élégante
d'une biche. Puis c'est le tour des chasseurs de se lancer à sa
poursuite, ainsi de 30:47 à 31:23, l'alternance ira du thème à la
partition des chasseurs. Le thème, toujours pour montrer la marche
commune alors que les autres parties sont plus individuelles. Chaque
chasseur s'avançant pour attraper la biche est représentée, la
course finale est lancée. Et c'est à partir de 31:47 qu'attaque
l'alternance biche/chasseur, jouant chacun leurs tours, comme autant
de tentative d'échapper à ses poursuivants et autant de coup de feu
pour tuer le gibier, le tout jusqu'à 32:00 et la mort de la biche.
La fin du mouvement est festif et plein d'orgueil d'avoir attrapé le
gibier et le thème telle une marche triomphante fini cette chasse et
l'automne.
L'Hiver
Dernière saison débutant à
32:48 jusqu'à 42:00. Elle est devenue ma saison favorite et son
sonnet est ainsi :
« L’Hiver.
Trembler violemment
dans la neige étincelante, au souffle rude d’un vent terrible,
courir, taper des pieds à tout moment et, dans l’excessive
froidure, claquer des dents ;
Passer auprès du feu
des jours calmes et contents, alors que la pluie, dehors, verse à
torrents ; marcher sur la glace, à pas lents, de peur de tomber,
contourner,
Marcher bravement,
tomber à terre, se relever sur la glace et courir vite avant que le
glace se rompe et se disloque.
Sentir passer, à
travers la porte ferrée, Sirocco et Borée, et tous les Vents en
guerre. Ainsi est l’hiver, mais, tel qu’il est, il apporte ses
joies. »
Voici
mon mouvement préféré. L'Allegro non-Molto
de l'hiver ! Sublimement repris dans le non moins sublime film
« La guerre est déclarée », ce mouvement est lié à la
première strophe du sonnet. De 32:39 à 33:25, Vivaldi givre les
violons en faisant jouer ses musiciens au plus proche du chevalet
donnant cette texture givré au son. Cette partie qui sera réutiliser
plus tard fait appelle au tremblement dans la neige du sonnet. Le
souffle rude quand à lui viens à 33:26, le son est très pur, voir
cristallin, il nous transperce comme nous transperce le vent gelé de
l'hiver. Puis de 33:47 à 34:00 s'entame la course contre le froid,
et l'apothéose entre 34:00 et 34:43 de pieds qui frappent et de
dents qui claquent dans la dureté de l'hiver. Dans la partition
originale, le passage de 34:00 à 34:12 est joué en tapant des pieds
en rythme avec les violons pour donner du corps à l’interprétation.
Ce schémas est repris encore une fois avant de finir à 36:14.
Encore
une fois, c'est un mouvement très visuel que nous offre Vivaldi en
jouant exactement ce que la deuxième phrase du sonnet décrit. Il
indique la pluie tomber sur les carreaux, elle est présente sous
forme de pizzicato tout le long du passage. Il s'agit de la
représentation du bruit des gouttes sur les vitres. Pendant ce temps
le bonheur des jours calmes devant un bon feu est repris par le
soliste qui se laisse porter par ce Largo pour
nous inclure dans cette scène de repos.
Dernier
mouvement de l’œuvre, il m'avait surpris lors de la
représentation, tout d'abord parce que je ne le connaissais pas puis
par sa beauté. La dextérité demandée par la partition est
impressionnante et son interprétation l'est tout autant. Il débute
par la marche sur la glace, sans doute pour aller pêcher. Ainsi
jusqu'à 39:12 la difficulté à avancer malgré le vent et la glace
est mise en avant puis c'est le début de la course contre le
craquèlement de la glace jusqu'à 40:00 où la glace rattrape le
pêcheur, s'en suit des petits sauts très perceptible entre 40:00 et
40:10 pour éviter de tomber. A 40:10 la berge est atteinte et la
glace se disloque et se rompt jusqu'à 40:40. Viens ensuite les vents
qui s'invitent, tout d'abord doucement puis de plus en plus vigoureux
(41:12) créant sans doute l'une des plus belle phrase musicale de
l’œuvre pour la conclure.
Bien
entendu, il existe d'autre interprétation des Quatre Saisons, il est
assez difficile de ne pas voir l'allusion à la vie de l'homme au
delà des saisons. Le printemps comme naissance et la joie d'une
nouvelle vie ; l'été avec la jeunesse, l'apprentissage et la
fougue ; l'automne avec la force de l'age les joies, les
conquêtes ; puis l'hiver, repos mérité entrecoupé par les
maladies et inéluctablement la mort. Mais ce qui fait la force de
cette œuvre, au delà de ses multiples sens : c'est qu'elle est
universelle. N'importe qui à travers le monde la connaît et peut
l’apprécier car elle est simple à l'écoute et sublime par la
complexité de son interprétation. C'est là que réside le génie
de Vivaldi, en réussissant l'accession de la plus complexe des
musiques aux plus grandes foules.