vendredi 22 juin 2012

Fantaisie Militaire - Alain Bashung

Premier article des vacances, et comme les vacances sont l'occasion de renouveau,  From (The Sounds Inside) accueille avec plaisir un nouveau chroniqueur: Paul. Ses articles paraitront une semaine sur deux en alternance avec les miens, son premier papier sera publié la semaine prochaine. J’espère que cette collaboration vous sera agréable et je vous souhaite de bonnes vacances en notre compagnie.  

Dans un article précèdent, je regrettais la disparition d'une figure de proue de la musique française :Alain Bashung. C'est pourquoi il me semble inévitable que je vous fasse partager ce qui fut pour moi une révélation au niveau musical. Derrière cette révélation se trouve l'album Fantaisie Militaire. Le chef-d’œuvre de Bashung. Pour être franc, ce n'est ni un album simple ni un simple album. Son écoute doit se réaliser en plusieurs fois pour pouvoir pleinement en profiter. J'ai moi-même laissé tomber à la première écoute, puis des amis bienveillants m'ont chanté les louanges de chansons dont j'étais passé complètement passé à coté. Et au bout de quelques écoutes on se laisse emporter dans le monde de Bashung et l'on comprend pourquoi il s'agit d'un chef-d’œuvre.

En 1998, lors de sa sortie, les Inrock décrétèrent qu'il s'agissait du meilleur album Français de la décennie. Il est difficile de ne pas leur donner raison. Aucune partie n'a été négligée, la musique, les paroles, le chant, les arrangements, cet ensemble est travaillé comme peu d'artiste les travaillent.
Il est d'ailleurs difficile de séparer l'explication entre musique, parole et le reste car l'ensemble s'accorde si bien que ce serait dénaturer le travail produit. De même une approche chanson par chanson briserait le fil conducteur de l'album. Il faut avoir une vision plus global de cet opus. Car de « Malaxe » à « Angora », Alain Bashung nous fait vivre chaque morceau en nous emportant sur les trois notes de départ.
C'est un des points magiques de ces douze chansons. Elles nous accrochent, nous harponnent et nous plonge dans l'univers créé par chaque mélodie. L'entame de « Malaxe » (première chanson), tout en crescendo planant avec ce rythme léger de batterie, invite à l'écoute. Ce n'est pas qu'une introduction à la chanson c'est une introduction à tout l'album. Tout en douceur on passe du néant à la création. Il en va de même pour tous les morceaux, même les plus étranges entames comme celle de « 2043 » ou « Samuel Hall » sont intrigantes et poussent à écouter toujours un peu plus, jusqu'au point où l'on ne peut plus s’arrêter tant l'on est immergé dans les méandres musicaux inventés par Bashung. 
C'est un fait, une fois lancé, la machine Fantaisie Militaire est impressionnante de maîtrise, d'émotion et de puissance musicale dont il est difficile de se défaire. Avec Jean Fauque, Bashung écrit des textes d'une rare beauté. Les sujets abordés sont multiples, rarement joyeux. L'album est noir, dans la ligné de « Play Blessures ». Mais dans ces sujets parfois lourds, ils intègrent leurs jeux de mots. Jeux de mot, c'est au sens noble du termes qu'ils les utilisent, à la hauteur de ceux de Boris Vian si je me permet. Le titre même de l'album est un sublime oxymore. Et ainsi toute la magie opère, en nous offrant des bijoux de poésie on ne peux se lasser de les écouter. Le texte de « Mes prisons » est un caviar, bourré de double sens, la lourde ambiance s'envole au grès des frasques littéraires des deux écrivains. Mais il n'est pas le seul texte a être une réussite, au contraire, je dirais même qu'ils le sont tous. Je n'arrive pas a en sortir un du lot, « Sommes Nous » ou encore « Fantaisie Militaire » comment choisir un texte et dire qu'il est meilleur que les autres ? Le niveau est tellement bon que j'en suis bien incapable. L'écriture proposée est bien au dessus du niveau proposé par la plupart des chanteurs de l'époque (même de nos jours d'ailleurs...). Ça ne serait pas offenser la poésie que d'y affilier cet album.


En terme de musique, Alain Bashung est au-delà de la musique française, au-delà du rock, Alain fait du Bashung. Usant régulièrement de cordes, par exemple sur « La Nuit Je Mens » ou « Dehors », elles adoucissent les morceaux et renforcent les ambiances. Sur certain morceaux les résultats sont surprenant, par exemple on s'étonne à sentir le Moyen-Orient avant l'orage en écoutant « Au Pavillon Des Lauriers ». L'ensemble des ambiances résulte d'un habile mélange entre guitares rocks et claviers envoûtants. Pour les claviers « Aucun Express » reste un exemple des plus explicite de la réussite de cette création d'espace ou l'on se perd lors de l'écoute. Alors que pour les morceaux « rock » les guitares apportent soit un coté proche du sol, très root. Tant et si bien que « Sommes-nous » nous fait vraiment demander si « sommes nous la sécheresse ? ». Alors que parfois, ces mêmes guitare électriques sont froides, sur « Fantaisie Militaire » elles vous glacent de l’intérieur. Et pourtant c'est bien la guitare sèche qui apporte la chaleur du morceau « La Nuit Je Ment ». Cette diversité d'utilisation permet un album tout en nuance. Si l'on devait prouver que cet album a été travaillé et retravaillé il suffit de trouver les détails ajoutés aux morceaux. Le plus simple à expliquer est le piano sur « Fantaisie Militaire ». Deux notes lancinantes qui transforment l'ambiance déjà sombre, en l'enfer qu'il décrit.
Encore une fois, il est impossible de pouvoir séparer les plusieurs parties de cette musique, elles se complètent perpétuellement. Tout se mélange et l'on ne peut dire que dans une chanson se trouve telles ou telles parties séparément, c'est l'assemblage et le dosage quasi parfait de ces passages si différents qui rendent l'album si réussit.


« Angora » parachève ce chef-d’œuvre. Dans la douceur du piano, Bashung pose ses dernières questions sur le monde d'alors. Dernière chanson décharnée, « Angora » devient le quai de gare sur lequel on quitte Bashung. Une fois que tout est dit ne reste que l'émotion, et bien il s'agit de cela avec ce morceau. Un au-revoir qui prend un tout autre sens au jour d'aujourd'hui.
L'un de mes plus grand regret sera de n'avoir jamais pu écouter Alain Bashung en concert. Les vidéos ne remplacerons jamais l'ambiance et la prestance dégagée par cet homme qui a donné certaine des plus belles chansons du répertoire Français. Avec Fantaisie Militaire, Bashung entre au panthéon du rock Français.
Peu d'album m'ont autant transporté et transformé. Ne vous arrêtez pas aux premières impressions trompeuses, c'est une leçon de musique que nous offre Alain Bashung, autant en profiter.

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