vendredi 19 octobre 2012

Ça Me Vexe – Mademoiselle K

Lorsque le sujet de conversation se tourne vers la musique avec mes amis, inévitablement des désaccords sont à prévoir. La discussion s'anime et même si nous partageons pour la plupart le même point de vue sur un grand nombre de choses, certains artistes restent des sujets de discorde insoluble. Celle pour qui je dois me battre le plus souvent corps et âmes pour faire accepter son talent est l'artiste du jour : Mademoiselle K.


Sans conteste, pour moi, la seule Rockeuse Française, la (grande) majorité de mes connaissances la désavouent sitôt son nom prononcé. Une sorte de rejet, trop automatique à mon goût, qui a pourtant du mal à être argumenté. Est-ce, pour mes congénères masculins, la peur de la femme Rock et de son émancipation puissamment revendiquée ? Ou peut être ce look si particulier qui laisse la place au rejet de l'image ? Ou simplement la méconnaissance de ce qui semble être le renouveau du Rock féminin ?
En mettant de côté son extravagance scénique (perruque iroquois rouge et juste au corps chair, à s'y méprendre sur ce qui se cache sous le blouson noir...) écoutons Katerine Gierak chanter. Si je souligne le verbe « écouter », c'est que j'ai bien peur que la plupart des détracteurs n'aient pas vraiment tenté l’expérience d'une écoute, pourtant il s'agit là d'un vrai voyage au sein du monde si particulier de Mademoiselle K. Prenons le voyage si personnel qu'elle nous propose avec son premier album : Ça Me Vexe.


Souvent, un premier album ça ne parle pas de soit. Il est difficile d'écrire sur soit sans passer pour un adolescent attardé qui souffre de sa mue. Pour contourner le problème Mademoiselle K tente de se cacher derrière un premier titre dédié au publique qu'elle invective au travers même des paroles. Ce « Reste Là » est doux, très mélodique. C'est un des nombreux talents de la jeune native de Levallois-Perret, réussir à joindre une mélodie envoûtante à des rythmes pourtant très Rock et hachés rythmiquement. Si me croire sur parole n'était pas suffisant il suffit d'écouter l’enchaînement « mélodie/rythmique/mélodie » de « A Côté » qui plusieurs fois se mélange et s'inverse, cela devient jouissif. Je mets d'ailleurs au défi quiconque de ne pas se voir sauter partout durant le passage de cette chanson. Pour finir avec cette introduction d'album, le titre « Ça Sent L’Été » dévoile entièrement le visage de Mademoiselle K qui assume au travers cette chanson pleinement le rôle d'un album centré sur ses expériences tant sentimentales que professionnelles.

Le décors du voyage est planté. Les méandres de l'esprit tortueux de Mademoiselle K seront notre paysage et sa musique notre moyen de locomotion. Ayant travaillée la plus grande partie des morceaux seule ainsi que les arrangements, la musique se lie très fortement aux paroles. Bien plus que ce qu'offre son deuxième album par exemple. C'est aussi en ça que le voyage est immersif, le contenu de Ça Me Vexe provient pratiquement exclusivement du même esprit que l'on nous offre de sonder. De quoi s'approcher au plus près de l'âme des chansons proposées.
Premier arrêt dans ce voyage, le monde du business qui à eu du mal a accepter le style et la fougue de Mademoiselle K. Avec l'hypothèse d'une musique fondamentalement reliée aux paroles, il est plus facile de comprendre sa relation au monde du travail au vu des sons proposés. En trois titres très (très) énervés, elle se permet de tailler un costume sur mesure aux trois facettes ce monde qui la dérange. Tout d'abord, son single « Ça Me Vexe » ne peut être plus explicite à ce sujet. Complainte musclée sur le club fermé de la musique qui ne veut pas d'elle dans ses festivals, ses soirées et ses studios alors qu'elle fait salle comble en province depuis quelques années déjà. Elle avoue aussi être un peu dépassé par ce système dans lequel tout est rendez-vous et responsabilité au travers d'une des chansons les plus aboutis de l'album « A Côté ». Elle s'en décharge avec humour se voyant mourir cent fois pour faire bouillir un œuf, humour et Rock'n'Roll que demander de plus ? Enfin, l'hypocrisie du showbiz qui l’exaspère au plus au point dans « A L'Ombre ». Encore une fois elle utilise tout ce que la palette Rock offre comme possibilité, et nous gratifie d'un crescendo de batterie sur « A Côté » tout en efficacité.


Deuxième arrêt, le cœur. Plus grande partie de la visite, c'est aussi la plus périlleuse. Je pense que c'est ici que la séparation entre les auditeurs se forme. En l'espace de cinq chansons, dont l'ordre importe beaucoup, se déroule les étapes d'une séparation et d'une déprime profonde. Et je me demande si, les personnes qui n'accrochent pas et/ou ne se retrouvent pas au travers d'au moins un de ces cinq titres, a déjà vécu une vraie séparation. Pas celle d'un flirt de deux trois mois, pas celle qu'on oublie dans les bras d'une blonde le lendemain, mais plutôt celle d'une vraie relation, celle qui se vit comme un deuil, qui vous fait pleurer seul devant une barquette de Nems... L'action en est presque cinématographique, se déroule sous nos yeux l’indécision (Le Cul Entre Deux Chaises), le désir de vengeance (Crève), la jalousie (Jalouse), le manque (Fringue Par Fringue) et le désespoir dans l'acceptation (Plus Le Cœur A Ça) dans un même album. Alors même si elles sont mélangées aux autres thèmes, leur ordre est précis et a du sens. Encore une fois, la dualité musique/parole est spectaculaire. Que ce soit l'urgence fiévreuse des paroles de « Fringue Par Fringue » représentée par cette fuite en avant de la mélodie finale, ou que ce soit la violence et le tranchant de la distorsion pour « Crève », la musique vient toujours s'appuyer sur une ossature textuelle des plus crue et réaliste. Ce tour d'horizon des multiples émotions est pour ma part une grande réussite. Éviter les lieux commun que nous offre la majorité des chansons sur ce sujet est loin d'être évident, qui plus est sur cinq chansons se complétant l'une l'autre.

En étape intermédiaire vient s'intercaler le thème de la direction à suivre au sens large de la question. « Grimper Tout Là- Hau» pose la fameuse question « où va t-on ? » sans y répondre mais rajoute de la profondeur à la réflexion générale que vous pourrez vous faire de l'album. Sans être un arrêt à part entière cette chanson reste néanmoins une pause sur le chemin crée dans notre esprit.


Une fois la dernière seconde de « Plus Le Cœur A Ça » passée, le voyage se termine. A la fois amère et pourtant plein d'entrain, il est impossible d'en sortir sans avoir envie d'explorer un peu plus ce monde de sentiments si éclectiques.
Mademoiselle K s'impose comme LA Rockeuse Française. Pas toujours juste, dissonante même par instant, elle nous sert un album d'une grande qualité et nous rappel que le Rock c'est aussi quand ça déraille légèrement que c'est bon.

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