Lorsque
le sujet de conversation se tourne vers la musique avec mes amis,
inévitablement des désaccords sont à prévoir. La discussion s'anime et même si nous
partageons pour la plupart le même point de vue sur un grand nombre de choses,
certains artistes restent des sujets de discorde insoluble. Celle pour qui je
dois me battre le plus souvent corps et âmes pour faire accepter son talent est
l'artiste du jour : Mademoiselle K.
Sans
conteste, pour moi, la seule Rockeuse Française, la (grande) majorité de mes
connaissances la désavouent sitôt son nom prononcé. Une sorte de rejet, trop
automatique à mon goût, qui a pourtant du mal à être argumenté. Est-ce, pour
mes congénères masculins, la peur de la femme Rock et de son émancipation
puissamment revendiquée ? Ou peut être ce look si particulier qui laisse
la place au rejet de l'image ? Ou simplement la méconnaissance de ce qui
semble être le renouveau du Rock féminin ?
En
mettant de côté son extravagance scénique (perruque iroquois rouge et juste au
corps chair, à s'y méprendre sur ce qui se cache sous le blouson noir...) écoutons
Katerine Gierak chanter. Si je souligne le verbe « écouter », c'est
que j'ai bien peur que la plupart des détracteurs n'aient pas vraiment tenté
l’expérience d'une écoute, pourtant il s'agit là d'un vrai voyage au sein du
monde si particulier de Mademoiselle K. Prenons le voyage si personnel qu'elle
nous propose avec son premier album : Ça Me Vexe.
Souvent,
un premier album ça ne parle pas de soit. Il est difficile d'écrire sur soit
sans passer pour un adolescent attardé qui souffre de sa mue. Pour contourner
le problème Mademoiselle K tente de se cacher derrière un premier titre dédié
au publique qu'elle invective au travers même des paroles. Ce « Reste Là » est doux, très mélodique. C'est un des nombreux talents de la jeune
native de Levallois-Perret, réussir à joindre une mélodie envoûtante à des
rythmes pourtant très Rock et hachés rythmiquement. Si me croire sur parole
n'était pas suffisant il suffit d'écouter l’enchaînement
« mélodie/rythmique/mélodie » de « A Côté » qui plusieurs
fois se mélange et s'inverse, cela devient jouissif. Je mets d'ailleurs au défi
quiconque de ne pas se voir sauter partout durant le passage de cette chanson.
Pour finir avec cette introduction d'album, le titre « Ça Sent L’Été » dévoile entièrement le visage de Mademoiselle K qui assume au
travers cette chanson pleinement le rôle d'un album centré sur ses expériences
tant sentimentales que professionnelles.
Le
décors du voyage est planté. Les méandres de l'esprit tortueux de Mademoiselle
K seront notre paysage et sa musique notre moyen de locomotion. Ayant
travaillée la plus grande partie des morceaux seule ainsi que les arrangements,
la musique se lie très fortement aux paroles. Bien plus que ce qu'offre son
deuxième album par exemple. C'est aussi en ça que le voyage est immersif, le
contenu de Ça Me Vexe provient pratiquement exclusivement du même esprit que
l'on nous offre de sonder. De quoi s'approcher au plus près de l'âme des
chansons proposées.
Premier
arrêt dans ce voyage, le monde du business qui à eu du mal a accepter le style
et la fougue de Mademoiselle K. Avec l'hypothèse d'une musique fondamentalement
reliée aux paroles, il est plus facile de comprendre sa relation au monde du
travail au vu des sons proposés. En trois titres très (très) énervés, elle se
permet de tailler un costume sur mesure aux trois facettes ce monde qui la
dérange. Tout d'abord, son single « Ça Me Vexe » ne peut être plus
explicite à ce sujet. Complainte musclée sur le club fermé de la musique qui ne
veut pas d'elle dans ses festivals, ses soirées et ses studios alors qu'elle
fait salle comble en province depuis quelques années déjà. Elle avoue aussi
être un peu dépassé par ce système dans lequel tout est rendez-vous et
responsabilité au travers d'une des chansons les plus aboutis de l'album
« A Côté ». Elle s'en décharge avec humour se voyant mourir cent fois
pour faire bouillir un œuf, humour et Rock'n'Roll que demander de plus ?
Enfin, l'hypocrisie du showbiz qui l’exaspère au plus au point dans « A L'Ombre ». Encore une fois elle utilise tout ce que la palette Rock offre
comme possibilité, et nous gratifie d'un crescendo de batterie sur « A
Côté » tout en efficacité.
Deuxième
arrêt, le cœur. Plus grande partie de la visite, c'est aussi la plus
périlleuse. Je pense que c'est ici que la séparation entre les auditeurs se
forme. En l'espace de cinq chansons, dont l'ordre importe beaucoup, se déroule
les étapes d'une séparation et d'une déprime profonde. Et je me demande si, les
personnes qui n'accrochent pas et/ou ne se retrouvent pas au travers d'au moins
un de ces cinq titres, a déjà vécu une vraie séparation. Pas celle d'un flirt
de deux trois mois, pas celle qu'on oublie dans les bras d'une blonde le
lendemain, mais plutôt celle d'une vraie relation, celle qui se vit comme un
deuil, qui vous fait pleurer seul devant une barquette de Nems... L'action en
est presque cinématographique, se déroule sous nos yeux l’indécision (Le Cul Entre Deux Chaises), le désir de vengeance (Crève), la jalousie (Jalouse), le
manque (Fringue Par Fringue) et le désespoir dans l'acceptation (Plus Le Cœur A Ça) dans un même album. Alors même si elles sont mélangées aux autres thèmes,
leur ordre est précis et a du sens. Encore une fois, la dualité musique/parole
est spectaculaire. Que ce soit l'urgence fiévreuse des paroles de
« Fringue Par Fringue » représentée par cette fuite en avant de la
mélodie finale, ou que ce soit la violence et le tranchant de la distorsion
pour « Crève », la musique vient toujours s'appuyer sur une ossature
textuelle des plus crue et réaliste. Ce tour d'horizon des multiples émotions
est pour ma part une grande réussite. Éviter les lieux commun que nous offre la
majorité des chansons sur ce sujet est loin d'être évident, qui plus est sur
cinq chansons se complétant l'une l'autre.
En
étape intermédiaire vient s'intercaler le thème de la direction à suivre au
sens large de la question. « Grimper Tout Là- Haut » pose la fameuse
question « où va t-on ? » sans y répondre mais rajoute de la
profondeur à la réflexion générale que vous pourrez vous faire de l'album. Sans
être un arrêt à part entière cette chanson reste néanmoins une pause sur le
chemin crée dans notre esprit.
Une
fois la dernière seconde de « Plus Le Cœur A Ça » passée, le voyage
se termine. A la fois amère et pourtant plein d'entrain, il est impossible d'en
sortir sans avoir envie d'explorer un peu plus ce monde de sentiments si
éclectiques.
Mademoiselle
K s'impose comme LA Rockeuse Française. Pas toujours juste, dissonante même par
instant, elle nous sert un album d'une grande qualité et nous rappel que le
Rock c'est aussi quand ça déraille légèrement que c'est bon.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire