"Gil Scott-Heron, et le Rap devient poésie"
« The Revolution Will Not Be Televised », ne trouvez vous pas cette phrase
lourde de sens ? Il n'y a rien à ajouter ou à enlever. Ce
n'est pourtant pas le titre d'un essai, encore moins d'un roman ni
d'un pamphlet, c'est simplement le titre d'une chanson. Cette chanson
au titre limpide a été écrite par Gil Scott-Heron. Si comme moi
avant d'entamer cet article vous n'aviez jamais entendu ce nom,
laissez moi vous brosser un portrait de cet Afro-américain père du
Rap mélodique.
Né à la toute fin de la
guerre en 49 à Chicago, Gil Scott-Heron grandit tout d'abord dans le
Tennessee puis dans le Bronx à New York ; à la même époque,
le racisme et le Ku Klux Klan revenaient en force au pays de l'Oncle
Sam. Bien entendu, ces deux faits, qu'il considère comme des
attaques personnelles étant lui même noir, se retrouveront dans la
plupart de ses œuvres. Après un an d'université il publie un
premier roman avant de se lancer dans des enregistrements musicaux
qui lanceront l’avènement du Rap. Attention lorsque je mentionne
Rap, je veux parler du Rap des débuts à savoir un Rap très
mélodique qui côtoyait le Jazz et même parfois la Soûl. Il se
consacra presque toute sa vie durant à la musique puis, à partir
des années 90 profita de son don d'écriture pour signer des
recueilles de poèmes salués par la critique.
Il est évident que pour
englober et comprendre d'un coup d’œil toute l’œuvre de GSH il
faut la replacer dans le contexte mentionné plus haut. Toute sa vie
de parolier et d'écrivain, il n'aura cessé de dénoncer les
violences discriminante, déjà dans son premier roman « The
Vulture » il décrit une Amérique en manque d'humanité après
une guerre qui avait mis à jour l'horreur des hommes. Seul soucis de
la littérature de l'époque, elle est gérée par des blancs ce qui
permettra à GSH de tenir ces propos dans la préface d'une réédition
du livre des années plus tard : « « The
Vulture »a connu lors de sa parution en 1971 le même sort que
tous les autres livres d'écrivains noirs à cette époque. Publiés
chez un petit éditeur de littérature pornographique et de polar
désireux d'ouvrir son catalogue à une marginalité, la littérature
du ghetto. "Le Vautour" resta sans écho. Oublié avant
d'être lu… »

Durant la carrière de
Gil Scott-Heron, son message a su s'affiner et se transformer afin
d'atteindre de plus en plus de monde, pour finir par créer des
textes universels. Si « The Vulture » dénonce les
quartier défavorisé laissé à l'abandon et les effets de la drogue
au sein de ceux-ci, le premier enregistrement de GSH et de Brian
Jackson, « Small Talk at 125th & Lenox » est
un pamphlet envers cette société blanche qui avait bridé
l'inventivité de Heron quelques années plus tôt. Gil Scott-Heron
se rend vite compte que de crier sur les Blancs ne les fait pas
bouger car par définition ils ne l'écoutent pas. Il inverse sa
plume et écrit pour les noirs. Prônant la non-violence, il incite
la population noire à se sortir elle-même du bourbier dans lequel
le monde les a mis. Il enchaîne donc les textes à forte propension
rebelle, limite révolutionnaire comme « Guerilla »,
« Winter In America »
ou le moins connu « Liberation Song ».

Mis de coté par un public, qui oublie le fond au vu de la forme, et
par des soucis avec la drogue, GSH retourne à son premier amour: la
poésie. Encore une fois, son penchant protestataire se laisse
entendre mais c'est surtout la colère envers les hommes, tous les
hommes et leur égoïsme, qu'il laisse s'exprimer.
Picture a man of nearly thirty
who seems twice as old with clothes torn and dirty.
Give him a job shining shoes
or cleaning out toilets with bus station crews.
Give him six children with nothing to eat.
Expose them to life on a ghetto street.
Tie an old rag round his wife's head and
have her pregnant and lying in bed.
Stuff them all in a Harlem house.
Then tell them how bad things are down South.
who seems twice as old with clothes torn and dirty.
Give him a job shining shoes
or cleaning out toilets with bus station crews.
Give him six children with nothing to eat.
Expose them to life on a ghetto street.
Tie an old rag round his wife's head and
have her pregnant and lying in bed.
Stuff them all in a Harlem house.
Then tell them how bad things are down South.
Ce
n'est pas pourtant pas un homme aigri qui finira sa vie dans un hôpital d'NYC en 2011, c'est un homme qui sa vie durant n'a cessé de
mélanger l'art de l'écriture, de la poésie avec des sonorités
toujours différentes allant du Hip-Hop au Rap en passant par le Jazz
et la Soul. Seul lui importait le message: “Mon
morceau The Bottle, c'est peut être du hip hop…the revolution will
not be televised c'est du rap, j'en sais rien, mais il y a tant de
façons de communiquer que ça serait vraiment dommage d'en perdre
une, d'en brader une ou ou de se concentrer sur une seule d'entres
elles. Il y a tant de gens dans notre communauté auxquels on doit
parler!”
Si ce portrait de Gil Scott Heron n'est peut être pas chronologiquement
juste, sans doute même pas exhaustif dans son œuvre, c'est qu'il a
su comme peu d'autres passer de l'écriture à la musique comme un
fil servant à les coudre l'une à l'autre, passant d'un coté et de
l'autre sans jamais les quitter pour autant, les rapprochant perpétuellement.
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